De l’indépendance à ce jour, le Mali a connu plusieurs pouvoirs politiques : un régime socialiste, une dictature militaire sauvagement musclée, une bourgeoisie militaire et maintenant une dictature prétendument démocratique spécialisée dans les détournements de derniers publics, la corruption et les abus de pouvoir et de biens sociaux.
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En fait nous avons hérité d’une situation de domination et d’injustice (celle de la période coloniale) qui faisait que les violations des libertés individuelles et collectives étaient admises comme situation normale en dépit de l’existence d’une législation pouvant les empêcher.
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Cet antécédent colonial fit que dans ce pays tout individu, civil ou militaire, qui détenait une parcelle de pouvoir se croyait autorisé à le montrer avec force aux voisins et aux restes de la population, rejetant ainsi, peut-être de façon inconsciente, les liens de la fraternité et de la solidarité qui fondent la nation.
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Dans les premières années de l’indépendance, les tenants du pouvoir, en ville comme dans les campagnes, ont continué à se comporter comme les colons dont ils avaient pris la suite en 1960. Les commandants de cercle et les chefs d’arrondissement ne voyaient pas de limites à leur pouvoir et exerçaient leur autorité de façon souvent plus impitoyable que les colons Français qu’ils avaient remplacés.
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Lors de la collecte de l’impôt de capitation, les agents chargés d’exécuter cette tâche ingrate le faisaient avec un zèle qui frisait le cynisme, insultant, humiliant et embastillant même les chefs de famille insolvables ou récalcitrants qui cherchaient à s’opposer à leurs abus. La période militaire qui vint en 1968 accentua encore plus cette tendance, c’est-à-dire que l’autorité de commandement, en brousse surtout, eut plus de pouvoir que sous le régime précédent et l’exerça effectivement avec plus de cruauté et de brutalité sur les populations sans défense et comme dans un pays conquis les armes à la main.
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Le Mali de cette période ressemble à une terre où le gouvernement écrasait sans pitié le gouverné, le riche le pauvre, l’homme instruit l’analphabète et, au bout du compte, l’homme, la femme. Chaque catégorie avait sous sa domination son contraire faible et la société elle-même apparaissait comme une grande pyramide dans laquelle le sommet vivait de la base qu’il piétinait, avilissait et même faisait mourir quand il le voulait.
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De tout temps et sous tous les régimes, les forces de l’ordre, dans ce pays, ont surtout fonctionné comme des forces d’occupation, plus des machines à soumettre le citoyen qu’à le défendre. Quand elles n’exécutent pas cette sale besogne qui consiste à casser inutilement du citoyen sur les ordres du pouvoir exécutif, elles rançonnent systématiquement les populations dans les bureaux des commissariats pour les délits imaginaires ou aux carrefours dans la circulation pour les infractions inventées de toutes pièces.
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Dans l’exercice de leur fonction, les policiers et les gendarmes, dans nos villes, sont d’un affairisme impossible à décrire mais frisant tantôt le racket, tantôt le brigandage sans que l’autorité de tutelle lève le petit doigt en guise de protestation. De la loi dont ils sont chargés de faire respecter l’application, ils se moquent comme des restes des repas qu’ils ont dédaigné par manque d’appétit.
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Même son de cloche que les juges auxquels la Constitution de 1992 a donné tellement de pouvoirs que les analystes s’accordent à dire à juste raison que la IIIe République est celle des juges et des magistrats. Ceux-ci, plutôt que de songer à bien porter leur toge en organisant des procès équitables et justes, ont cru tout bonnement leur tour afin arrivé de s’enrichir et ne se cachant même pas pour le faire. L’Etat leur a pourtant octroyé des salaires faramineux qui font rêver les autres fonctionnaires, sans compter les nombreuses indemnités et les avantages matériels sans nombre dont ils jouissent.
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En dépit de toutes ces faveurs, chargés de juger les dignitaires de l’ancien régime, ils se sont montrés incapables d’être à la hauteur et se sont si mal débrouillés dans ces procès que tous les criminels d’avant 1991 ont été élargis, fautes de preuves et d’arguments. En revanche dans la corruption, ils excellent et se distinguent dans les abus de pouvoir à une vitesse telle qu’on pouvait les soupçonner de refaire leur retard sur le dos des justiciables et d’humilier pour le plaisir des gens qui leur sont cent fois supérieurs. Pour beaucoup de citoyens ce sont les champions des abus de pouvoir qui dans les procès, prennent avec toutes les parties et créent ainsi des situations troubles et inextricables desquelles ils ne peuvent plus s’enlever et qui discréditent toute la justice de ce pays.
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Si on peut évoquer les sommets d’inculture sur lesquels sont perchés des policiers et des gendarmes, on ne peut pas en dire autant des magistrats supposés avoir fait leurs humanités et lu le professeur C. Lombroso. Mais sait-on jamais avec des juges de quartier dont la plupart n’ont pas dépassé le niveau de la maîtrise, mais qui s’arrogent le droit d’embastiller des ingénieurs formés dans les plus grandes et plus dures écoles supérieures de la France métropolitaine ?
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Les fonctionnaires de l’administration publique ne sont pas en reste. Beaucoup de ces messieurs et dames ignorent qu’ils sont là pour les citoyens dont les impôts servent à les payer. Mais le plus souvent, pleins de mépris pour les usagers, ils ne s’empressent de servir ceux-ci que quand ils mettent la main à la poche pour des services qui doivent être gratuits. Les fonctionnaires de brousse sont les plus arbitraires dans ces cas-là ; exploitant sournoisement l’illettrisme des campagnards, ils leur prennent de l’argent n’importe comment et leur font exécuter gratuitement des travaux qui ne doivent pas l’être.
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Au Mali, les hommes de pouvoir et d’autorité ont encore l’habit des colons. Qu’ils soient civils ou militaires, ils s’imaginent que le citoyen est leur plus farouche ennemi avec lequel il faut être menaçant pour le faire taire et lui soutirer des subsides. Cela a été vrai hier avec les Jacques et les Dupont ; cela l’est aujourd’hui avec les Abdoulaye et les Bakary.
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Facoh Donki Diarra
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