Attention, terrain glissant !
La polémique s’enflamme sur le choix du fichier électoral à utiliser pour les élections présidentielle et législatives de 2012. Après la majorité des partis politiques, c’est le tour du forum des organisations de la société civile d’opter, à travers une déclaration rendue publique, pour le fichier électoral tiré des résultats du Ravec.
Pourtant, il ne suffit pas de demander au ministère de l’Administration territoriale de tout mettre en œuvre pour arriver à cette fin. La démarche elle-même est à saluer. Mais sauf que les signataires de cette déclaration devraient entreprendre certaines démarches au préalable. Par exemple, s’armer de tous les éléments nécessaires (financier, technique et matériel) qui certifient la possibilité d’établir un fichier issu du Ravec. Mieux, les organisateurs de la société pouvaient même recourir aux experts (cet aspect ne ressort pas dans leur déclaration) pour attester de la possibilité pour le gouvernement d’établir un fichier. Arbitre du jeu, toute déclaration hâtive de sa part sera de nature à entacher durablement sa crédibilité dans un processus électoral qui ne fait que commencer. Donc, ‘’prudence est mère de sûreté’’.
Si la démarche des organisations de la société civile entre dans le cadre du respect des principes républicains, il faut s’étonner que, dans ce pays, on n’a jamais vu un groupe de partis politiques ou d’organisations de la société civile se lever pour interpeller le gouvernement sur telles ou telles préoccupations du peuple comme la vie chère, la paupérisation globale, la corruption, l’impunité, l’injustice. Aucun groupe de partis ou d’organisations de la société civile ne s’est réuni pour dénoncer, dans une déclaration commune, la corruption et la délinquance financière qui privent notre cher Mali des ressources considérables.
Ils sont nombreux, les responsables politiques et de la société civile qui ignorent le taux de couverture du territoire en eau potable. Qui semblent ne pas savoir que s’approvisionner en eau potable est un calvaire pour certains quartiers périphériques de Bamako.
Au moment où les organisations de la société civile se regroupent pour faire pression sur le gouvernement afin de tirer du Ravec un fichier électoral, les enfants continuent de ne pas bénéficier d’une éducation de qualité et nombreux parmi eux meurent de faim ou de manque de soins de santé adéquats ou tout simplement de manque d’eau potable. A Toupéré, une bourgade de 1000 habitants dans le cercle de Douentza, on ne cherche pas l’eau potable mais juste de l’eau à boire. La plupart des responsables politiques et de la société civile ignorent l’existence de ce village perdu parmi tant d’autres du genre, c’est le cadet de leurs préoccupations.
Dans ce pays, tout se passe comme si la gestion des affaires publiques ne devait être que l’affaire d’une minorité. On y voit des responsables de tout bord profiter de l’analphabétisme de l’immense majorité de la population pour la gaver de discours populistes et tromper sa bonne foi. C’est ici aussi qu’on voit des prédateurs qui, après avoir siphonné les ressources de notre pays, poussent l’indécence de reconquérir ou de vouloir reconquérir le pouvoir pour le biais des urnes, pardon pour le biais de l’argent car les élections ont perdu tout crédibilité à cause de l’argent.
‘’De 1991 à nos jours, nos cadres politiques et administratifs ont institutionnalisé l’impunité, le détournement de fonds publics, la corruption, le renforcement de parti état et la spéculation foncière entretenue et encouragée par tous les partis politiques. On a assisté à l’émergence des fonctionnaires multi-milliardaires détenant le monopole financier et les moyens de production.
Pendant ce temps, le peuple assiste impuissant à la destruction de nos valeurs sociétales, leurs enfants privés d’études sérieuses et d’emploi, l’inégalité sociale prend de l’ampleur. La majeure partie du peuple n’a pas accès aux soins de qualité, l’insécurité fait partie du quotidien des Maliens. Le peuple malien n’a jamais connu un taux aussi élevé de misérables, toute la richesse nationale accumulée entre les mains de quelques fonctionnaires et de leurs proches.’’ Ce jugement réaliste, (peut-être sévère pour certains) du président du Cnid association, Issiaka Traoré, acteur et artisan de l’avènement de la démocratie dans notre pays peut et doit servir de matière à réflexion.
Par Chiaka Doumbia