La saga des opposants aux réformes de la Constitution initiées par le président de la République, Amadou Toumani Touré, continue avec la naissance, ce week-end, d’un front dénommé ‘’Sos démocratie’’. Déjà, il y a une semaine, nous annoncions que la société civile cherchait à s’organiser sous la houlette du forum des organisations de la société civile. En plus du facteur temps, les opposants estiment que le projet de révision de la Constitution accordera au président de la République des pouvoirs exorbitants de nature à parer sa tête d’une couronne de monarque. A leurs yeux, ce serait trop de confier au président de la République, le pouvoir de définir la politique de la nation, de démettre le premier ministre et son gouvernement sans la présentation par celui-ci de sa démission, de nommer le président de la Cour constitutionnelle, ou celui de l’agence générale aux élections. On parle même de super-président. Alors que le projet de loi adopté par l’Assemblée nationale accorde une place importante à la responsabilité pénale du Président qui est désormais un justiciable comme les autres citoyens ordinaires.
La République serait-elle en train de vaciller ? Reconnaissons aux opposants leur volonté de barrer la route aux réformes, et aux partisans du président ATT leur acharnement à les défendre. Mais un précieux conseil aux uns et aux autres : on ne peut pas se prononcer à la place du peuple.
Quelques constats s’imposent, du reste, sur une des valeurs cardinales d’une République : la séparation des pouvoirs exécutif et judiciaire. De 1992 à 2002, combien de cadres dont l’honnêteté et l’intégrité étaient au-dessus de tout soupçon ont été traînés dans la boue pour leur supposée participation à des détournements de deniers publics à travers une instrumentalisation à outrance de l’appareil judiciaire par le ‘’politique’’ ? Vous en savez certainement quelque chose. Pas plus myope que celui ne qui veut pas voir ! Les non-lieux dont les cadres ont bénéficié après de longues années de bataille judiciaire pourraient aider à mener la réflexion.
Dans une République, il y a menace lorsqu’un président affirme publiquement s’être opposé à la bonne exécution d’une décision d’un juge indépendant. Et cela au vu et au su de tout le monde. En 2009, il y a eu l’affaire Mamadou Baba Diawara de la Banque de l’habitat du Mali. La procédure qui avait ordonné la libération de ce grand banquier a été au cœur d’une polémique qui ne disait pas son nom dans la presse nationale, dans les ‘’grins’’, les salons et les bureaux. D’un côté, il y avait ceux qui dénonçaient cette ‘’crapulerie’’ des juges de droit, pour avoir cassé – et sans possibilité de renvoi – une affaire qui a fait tant de bruit, comme si elle ne reposait sur rien, alors que le préjudice financier aux dépens du contribuable malien se chiffrait à plusieurs milliards de nos francs. De l’autre, il y avait ceux qui dénonçaient plutôt ce qu’ils qualifient d’intrusion dangereuse de l’exécutif dans l’arène judiciaire au point de constituer un abus, voire une violation de droits humains. Les spécialistes étaient unanimes sur un point : ‘’La décision de la Cour suprême s’impose à tout citoyen, à commencer par le président de la République’’. A l’époque, Me Boubèye Maïga, un des ténors du barreau malien connu pour son courage, avait estimé que Mamadou Diawara était détenu sans mandat, l’arrêt de condamnation étant cassé par la Cour suprême. Faute d’un titre qui ordonnait son maintien en prison, on était en présence d’un cas de détention illégale. Ce qui soulevait la question de violation des droits de l’homme. Dans un Etat républicain au sens propre du terme, aucune volonté ne devrait primer, en principe, sur une décision de justice, surtout lorsqu’elle émane d’une juridiction comme la Cour suprême.
Mais que dire alors de ces simples cadres ou députés dont la volonté prime sur une décision de justice ? Que dire aussi de ces simples cadres ou députés qui exercent une terrible pression sur les juges qui tentent tout de même de résister vaille que vaille ?
Au cours de ces 20 dernières années, il y a eu des violations flagrantes de la Constitution. Et cela au nez et à la barbe des uns et des autres ! Mais là, curieusement, personne parmi ceux qui vocifèrent aujourd’hui n’a saisi l’occasion de démontrer sa connaissance de la loi et des droits de l’homme. Ils ont préféré le silence complaisant à la défense de l’intégrité de la République. Alors, qu’est-ce qui fait tant jaser aujourd’hui ? L’appel du ventre ? Peut-être…
Par Chiaka Doumbia
Commentaires via Facebook :