Au journal ‘’Le Challenger’’ nous avons attiré l’attention de nos compatriotes sur le danger qui pèse sur la cohésion, voire l’unité nationale. A l’époque, l’article publié dans notre parution n°704 du 16 juin 2011 dont le titre était ‘’ cohésion nationale : menace’’ avait suscité de nombreuses réactions positives de la part des citoyens, soucieux de l’avenir et de la stabilité de notre pays. Compte tenu des soubresauts que traverse notre pays actuellement, nous republions l’article, mis à jour.
Aujourd’hui encore, le Mali qui s’apprête à entrer dans une phase décisive de son histoire démocratique se résigne à constater une exacerbation du communautarisme. Lors des journées de concertation sur les crises au Sahel, organisées par le Parti pour la renaissance nationale (Parena), l’honorable Abou Sidibé, député à Gao a fait une intervention brillante mais courte au cours de laquelle, il a dénoncé le communautarisme, c’est-à-dire le fait de privilégier sa communauté d’origine et de ne se définir que par rapport à elle. Le communautarisme, a-t-il dit, est devenu un danger mortel pour notre pays. Pour un pays issu des grands empires, l’honorable Sidibé ne comprend pas l’attachement de plus en plus accrue de nos concitoyens à des idées aussi décadentes. ‘’Le jeu du communautarisme est plus dangereux que le racisme’’, a-t-il conclu.
Mais d’où vient donc cette subite incursion des termes ‘’Nord’’ ou ‘’Sud’’ dans les discours même des plus officiels ? Pire, l’utilisation de ces termes tend à devenir une curieuse forme de séduction, un étrange fonds de commerce, voire une arme de chantage de moins en moins subtile. Mais ceux qui exploitent si insidieusement la fibre régionaliste ou ethnique sont-ils conscients des risques auxquels ils exposent le pays dans un contexte où l’école n’arrive plus à assurer l’éducation citoyenne et civique des enfants ? Quelle idée veut-on inculquer à la génération montante et pour quel avenir ?
Face à certaines dérives, il est important que le peuple soit vigilant pour préserver la cohésion et l’unité nationale. Sous aucun prétexte, les hommes politiques ou de médias, les leaders d’opinion, ne doivent contribuer à semer les graines de la division. Les cas rwandais et ivoiriens sont connus pour avoir été des drames provoqués par les médias. Et cela doit nous interpeller. Voilà, pourquoi, au journal ‘’Le Challenger’’, nous sommes contre toutes les manœuvres qui visent à favoriser ou à valoriser le jugement de tel ou tel cadre, candidat ou homme politique selon son nom de famille, ou son origine. Nous estimons en outre que des termes comme ‘’ cadre du nord’’, ‘’ cadre du sud’’, ou encore ‘’femme du nord’’, ou ‘’femme du sud’’, ‘’ communauté noire ou blanche et autres’’ devraient disparaître à jamais de nos discours, commentaires et autres analyses.
Pour rester fidèle à sa vocation de terre d’amitié et de fraternité, et à sa célèbre Jatigiya, notre cher Mali n’a que faire des commentaires régionalistes et ethnocentristes. Il n’y a qu’à relire les belles paroles profondes de notre hymne national, ce chef d’œuvre littéraire que nous devons à Seydou Badian et dont une triptyque a été extraite pour nous servir de devise : Un Peuple, Un But, Une Foi. Et cette devise, nous devons chercher chaque jour à la vivre et à en partager les valeurs.
Un Peuple. De Kayes à Kidal, nous devons savoir que nous formons un seul et unique peuple. Il n’y a pas de nordistes, ni de sudistes. La République du Mali est une et indivisible.
Un but. Le cœur de l’ensemble des Maliens doit vibrer de concert pour atteindre le seul objectif qui vaille : le développement harmonieux qui propulsera notre Maliba, un pays potentiellement riche, au rang des grandes nations.
Une foi. Conscient que sa terre natale est le berceau des grands empires, le peuple malien (chrétiens, musulmans, animistes et tous les autres) doit croire en son avenir dans une union sacrée sous-tendue par la crainte de Dieu.
Si nous faisons fi de l’esprit de ces mots, alors comment, selon vous, l’auteur de l’hymne national aurait-il pu entrevoir ces ‘’champs qui fleurissent d’espérance’’ ?
Pour notre part, nous resterons vigilants pour jouer pleinement notre rôle de sentinelle. De sentinelle perfectible certes, mais tout de même vigilante, comme l’a dit le doyen Gaoussou Drabo.
Par Chiaka Doumbia