Par un communiqué laconique en date du 2 juin 2011, le Procureur général près la Cour Suprême du Mali, Mahamadou Bouaré, a annoncé que la Chambre civile de cette juridiction a inculpé et placé sous contrôle judiciaire l’ancien ministre de la Santé, Oumar Ibrahim Touré, dans l’instruction de l’affaire dite du Fonds mondial ‘’pour crime d’atteintes aux biens publics, détournement de derniers publics, faux, usage de faux, favoritisme et complicité de favoritisme. ‘’ Le communiqué a fait l’objet d’une large diffusion puisqu’il a été lu au J.t. de 20 heures.
Malgré tout, les juges de la section civile ont su éviter à l’ancien numéro 2 du gouvernement de Modibo Sidibé, l’humiliation qui consistait à l’envoyer à la maison centrale d’arrêt de Bamako. En plaçant ainsi Oumar Ibrahim Touré sous contrôle judiciaire, la Cour suprême crée une jurisprudence car, en pareilles circonstances, on est plutôt habitué à la mise sous mandat de dépôt.
L’ancien ministre de la Santé n’aura manifestement pas connu le sort du Vérificateur général, Sidi Sosso Diarra, qui fut jeté en prison par un juge d’instruction comme un vulgaire délinquant. De même, les anciens collaborateurs d’OIT, en prison depuis plusieurs mois, n’auront pas bénéficié du même privilège que lui.
Comme ce sont les sous des partenaires techniques et financiers, le gouvernement n’avait certainement pas le choix dans cette affaire dite du fonds mondial qui a contribué à ternir l’image de notre pays sur le plan national et international. On comprend alors la célérité avec laquelle le dossier a été traité à quelques encablures du départ d’Att pour New York.Et là, il y a un risque de manipulation de l’appareil judiciaire par les politiques sous la pression des bailleurs de fonds.
Dire que, au même moment, des tonnes de rapports d’enquête sur la lutte contre la corruption et la délinquance financière dorment dans les tiroirs du Procureur de la République près le tribunal de 1ère instance de la commune III du district de Bamako en charge du Pôle économique et financier ! Comme ce n’est pas les sous des partenaires, mais bien l’argent du contribuable malien, il n’y a pas lieu de diligenter les dossiers. On n’a jamais connu l’inculpation de quelques responsables mis en cause même si la prudence est de rigueur compte tenu de la présomption d’innocence dont ils bénéficient. Tous les regards sont tournés vers le président de la République, Amadou Toumani Touré, premier magistrat du pays, après la remise du Rapport de la Cellule d’appui aux structures de contrôle de l’administration (Casca) qui a suggéré la transmission de certains dossiers à la justice. Il ne faut pas se faire trop d’illusions. Son rôle s’arrête là. Il revient même au chef de l’Etat de déclencher la machine judiciaire.
Dans son Rapport annuel 2010 sur la situation des droits de l’homme au Mali, la Commission nationale des droits de l’homme dénonce le phénomène de la corruption avant de s’insurger contre l’impunité dont bénéficient les délinquants à col blanc.
La corruption accentue la pauvreté et le sous-développement, le montant des sommes détournées pouvant volontiers servir à réaliser plusieurs infrastructures sociales. Pouviez –vous imaginer par exemple qu’un manque à gagner de 37 milliards, en terme de recettes fiscales, correspond à 7 fois le nombre de bourses d’études ou 1850 Cscom ou écoles, 9 000 à 12 000 ha de terres aménagées à l’Office du Niger ou encore 41,5% de la masse salariale payée par l’Etat ? Des sommes détournées privent chaque année nos enfants de soins de santé adéquats, d’éducation de qualité, d’eau potable.
La corruption devient de plus en plus le mode d’accès privilégié à tout service. Le citoyen malien n’a plus foi en la justice. Ce qui justifie depuis un certain temps la recrudescence du recours à la justice populaire pour régler des comptes. Cela constitue une menace sérieuse pour la paix civile voire l’équilibre social.
Par Chiaka Doumbia
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