Entrenous : Comme si l’on se moquait du bas peuple

0

Le vote du projet de loi portant révision de la Constitution du 25 février 1992 par l’Assemblée nationale, le 2 août dernier, continue d’alimenter les débats entre nos compatriotes, y compris ceux de l’extérieur. On s’agite ici et là, pour exhorter l’initiateur des réformes, en l’occurrence le président de la République, Amadou Toumani Touré, à surseoir à la tenue du référendum qui doit parachever le processus de consolidation de la démocratie commencé en 2008, par la mise en place de la Commission des experts dite commission Daba. Si le débat est nécessaire, voire indispensable, pour l’enracinement de la démocratie, les tiraillements autour de ce projet donnent l’impression que le gouvernement, la classe politique et la société civile souffrent d’un mal incurable.  

Face à une certaine dérive dans le traitement des fils d’un même pays, personne ne s’indigne. Et pourtant, des cadres d’une compétence avérée sont clochardisés pour avoir des postes qui devaient leur revenir de droit. Ils sont réduits à leur plus simple expression. Il y a certainement deux poids, deux mesures, dans le traitement des agents du service public.

Face à la hausse vertigineuse des prix des produits de grande consommation, aucune organisation de la société civile ne lève le petit doigt. Face au grand fossé qui se creuse entre riches et pauvres dans notre pays, personne ne s’émeut. Récemment, nous évoquions le cas des organismes génétiquement modifiés dont l’expérimentation a été autorisé par le gouvernement dans notre pays, après le vote par l’Assemblée nationale d’une loi portant sur la biosécurité. N’ayons pas peur de le dire : nous sommes dans un système où le pouvoir enrichit le riche et appauvrit davantage le pauvre.

Prenons un exemple sur l’éducation. Dans l’acte fondamental, œuvre des révolutionnaires de mars 1991, il était écrit, noir sur blanc, que l’enseignement public est gratuit. Tout constat fait, honnêteté intellectuelle oblige, personne ne peut nier qu’il existe au Mali une école pour les enfants des riches et une autre pour ceux des pauvres. Cette année, la grève des enseignants du supérieur qui a eu comme conséquence immédiate la fermeture des universités et autres écoles supérieures n’a suscité aucune indignation de la part de ceux et celles qui s’agitent aujourd’hui. Or, ils pouvaient bien faire pression sur les deux parties à savoir le gouvernement et les syndicats, pour éviter cette décision extrême qui n’honore pas notre école. Mais tout se passe comme si une année blanche était sans dommage pour le cursus scolaire des étudiants et l’économie des parents.

Ne soyons pas dupes. Les révolutionnaires de mars 1991 avaient écrit dans la loi fondamentale que les Maliens ont droit au travail. Mais qu’en est-il, en réalité, de la problématique de l’emploi au Mali ? De l’aveu du président de la République, Amadou Toumani Touré, l’emploi, surtout celui des jeunes, est une question de sécurité nationale. 

La Constitution a-t-elle pu empêcher la privatisation pour ne pas dire la braderie des sociétés nationales qui a mis en chômage des milliers de chefs de famille ? Non ! Prenons notre courage à deux mains pour faire un tour à la bourse du travail. Echangeons avec ces ‘’victimes du dérapage du système démocratique’’. L’épisode dramatique de ‘’Huicomabougou’’, avec des travailleurs désabusés de l’huilerie cotonnière du Mali qui ont passé 365 jours dans des conditions inhumaines, est un cas parmi bien d’autres. Au journal ‘’Le Challenger’’, nous avons une compassion très forte pour tous ceux qui ont souffert, qui souffrent encore ou qui souffriront de ce système que les révolutionnaires de mars 1991 ont juré, sous serment, de combattre pour un avenir radieux de cette ancienne terre de prospérité.

Poussons nos analyses et autres réflexions, un peu plus loin. Des leaders qui veulent coûte que coûte parvenir à leur fin, sont en train de détruire notre tissu social, socle de la stabilité de notre pays. Face aux idées à connotation régionaliste qu’ils distillent dans l’esprit des populations, personne ne se lève pour dire « attention ! » ou « ça suffit ! ». Et pourtant, il est inadmissible que des intérêts égoïstes compromettent la cohésion sociale. Mais, une fois encore, tout se passe comme si on se moquait du bas peuple. Alors jusqu’à quand nos hommes politiques et notre société civile arrêteront-ils de pinailler sur des détails pour se consacrer à l’essentiel ?
Par Chiaka Doumbia

Commentaires via Facebook :