Entrenous : 19 novembre 1968 ‘’Ils ont assassiné l’espoir’’

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Le 19 novembre 1968, un groupe de 14 officiers anonymes et sans expérience, force le destin de la jeune République du Mali en mettant fin, par un coup d’Etat, au régime socialiste dirigé alors par le père de l’indépendance nationale, Son Excellence Modibo Kéïta. Ce jour est si triste que nombre de Maliens préfèrent ne pas l’évoquer, pour éviter de tourner le couteau dans la plaie, tant l’effet de la trahison de ce jour-là a été dévastateur pour beaucoup de nos concitoyens.

Ainsi, depuis la chute du régime dictatorial de Moussa Traoré que le destin propulsa sur le devant de la scène ce jour-là, la prise du pouvoir par les militaires n’a jamais été marquée par aucune manifestation officielle. Avec le recul, le 19 novembre 1968 marque le départ d’une marche à reculons pour tout le peuple malien qui aspirait à un lendemain meilleur, après une  indépendance chèrement acquise.

« Mali : ils ont assassiné l’espoir » est le titre d’un livre  d’essai de l’écrivain Moussa Konaté. Cet ouvrage se veut être un récit historique du drame de tout un peuple de l’indépendance aux événements de mars 1991. Selon l’auteur, Modibo Kéïta et ses camarades voulaient construire un Mali prospère, souverain et faire le bonheur de leurs concitoyens dans la plus grande dignité. L’un des mérites des fondateurs de la première République est d’avoir consolidé l’unité nationale. L’auteur estime que les dirigeants avaient  une réputation d’intégrité indéniable. Il note que le pays a accompli des prouesses économiques durant  les huit années de gestion de l’Union soudanaise Rda. ‘’Au moment de l’indépendance, le pays ne possédait qu’une briqueterie, quelques usines d’égrenage de coton, de décorticage d’arachide alors que entre 1960 et 1968, une trentaine d’usines et d’entreprises d’Etat ont été créées », écrit Moussa Konaté.

Dans son dernier ouvrage, «  Du CMLN à l’UDPM, 23 ans de mensonge », Amadou Seydou Traoré dit Djicoroni, qui ne fait pas de cadeau aux responsables du Comité militaire de libération nationale (CMLN), raconte que ‘’sous la direction de Modibo, le peuple malien a été Uni, sous un Drapeau, dans le But de construire la Nation pour réaliser le maximum de bonheur pour le maximum de nos concitoyens dans le minimum de temps.’’ L’écrivain Moussa Konaté ne dit pas autre chose, lui qui écrit : ‘’En somme, en étouffant les forces actives  que sont la jeunesse et les enseignants, forces qui servent de baromètres à toute la société moderne, le régime malien d’après 1968 a laissé le champ libre aux forces négatives’’. Et il ajoute ceci : ‘’En tout cas, sous le régime de l’UDMP, le Mali détient le très triste record d’être un pays au monde où le travail et l’honnêteté sont sur le point d’être considérés comme un des délits de l’homme de la rue’’.

Amadou Seydou Traoré dit Djicoroni est encore plus critique envers ses geôliers qui l’ont détenu pendant 10 ans sans jugement.  ‘’ Le pouvoir fasciste du comité dit militaire présidé pendant 23 ans par Moussa Traoré et ses comparses, fut un régime de liquidation nationale…

Au-delà des destructions, prédations et liquidations matérielles dans tous les domaines, le comité militaire est l’auteur principal du démantèlement de l’homme malien dans ses valeurs morales et patriotiques… La paresse, l’inconscience professionnelle, les tricheries, l’effronterie, le dévergondage, le vol, les détournements de deniers publics, les passe-droits, l’indifférence du pouvoir devant les souffrances du peuple, la violence gratuite dans les rapports interpersonnels, l’incivisme, l’effondrement du sentiment patriotique et tant d’autres tares sociales dont souffre le Mali d’aujourd’hui furent sinon enfantées mais assurément aggravées en cette trop longue saison kaki’’, défend avec conviction le vieux Traoré. Ni le CMLN, encore moins l’UDPM n’a pas pu répondre aux attentes du peuple. En réalité, la dictature militaro-civile du général Moussa Traoré n’a fait que précipiter le pays dans un gouffre social avec pour conséquence la disparition des meilleures qualités humaines : honnêteté, probité, courage, bravoure.

En promettant la démocratie, les militaires ont confisqué les libertés individuelles à travers la répression de toute force de contestation. Par une libéralisation à outrance de l’économie, ils ont assombri l’horizon du peuple. En transportant leur lutte de clan au sein de l’armée, ils ont liquidé les forces armées construites par Modibo Kéïta et ses compagnons, des forces que toute l’Afrique craignait. En instrumentalisant la jeunesse au service du parti unique, Moussa Traoré et ses sbires ont détruit l’école. En manquant de vision et de perspectives pour le devenir de toute la nation, les militaires ont, malheureusement, assassiné l’espoir du peuple.
Par Chiaka Doumbia

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