La relecture du projet de code des personnes et de la famille est au programme de la session ordinaire de l’Assemblée nationale qui tire vers sa fin. Et, probablement, les débats reprendront ce jeudi 1er juillet. Sauf renvoi du texte à une prochaine session de l’auguste assemblée. L’hypothèse n’est pas à écarter (les honorables députés sont les seuls à détenir cette prérogative souveraine), même si les députés ont repris langue avec le Haut conseil islamique en vue d’harmoniser leurs points de vue sur certaines de leurs divergences.
Faut-il encore le rappeler, car un rappel est toujours utile, le Haut conseil islamique du Mali, sous la houlette du très conservateur iman Mahmoud Dicko, a mené une véritable fronde après le vote le 3 août 2009 par l’Assemblée nationale du projet de code des personnes et de la famille. Dans un souci de préserver la paix sociale qui semblait fortement menacée, le président de la République, Amadou Toumani Touré, a jugé nécessaire de le renvoyer à l’assemblée nationale pour une seconde lecture. Une prérogative que lui confère la constitution. Le président ATT reconnaît que la communication a été désastreuse. ”Au fond”, a-t-il affirmé, ”il n’y a pas eu de communication”.
Au fur et à mesure, le code est devenu un bébé encombrant qui risque aujourd’hui d’être sacrifié sur l’autel des ambitions personnelles et de ego. A la date d’aujourd’hui, on ne connaît pas très exactement le nombre des points contestés par les responsables du Haut conseil islamique. Car, les dirigeants de l’association religieuse n’ont pas rendu publiques les conclusions de leurs travaux. Par ailleurs, on sait que la légalisation du mariage religieux, le choix de la résidence des époux, la question de l’enfant naturel, l’héritage, l’âge du mariage sont quelques points de divergences.
C’est le fondement de ces questions soulevées par rapport à l’islam qui est sujet à controverse. Avant d’essuyer la foudre des ”extrémistes”, un dignitaire musulman à Kati, Ahmadou Diallo, a jugé l’impertinence de ces questions. Dans une abondante contribution que nous avons publiée (voir Le Challenger n°617 et 618), Abdullahi Ahmed An-Na’im, un éminent juriste spécialiste des questions de l’islam avait aussi appelé à la vigilance. Dispensant actuellement des cours de droit à l’Université Emory, à Atlanta (Etats-Unis), il a étudié l’Islam toute sa vie, d’abord à l’école et ensuite la Charia à la Faculté de Droit de l’Université de Khartoum.
”En mes qualités de juriste et d’universitaire musulman, spécialisé dans les études islamiques et originaire du Soudan, j’ai la conviction que le débat en cours au Mali ne touche pas seulement à certains aspects du code de la famille, mais à toute la relation entre la religion et l’Etat. Etant donné que rien ne justifie, du point de vue de l’Islam, une restriction des demandes en faveur d’une prétendue " justification islamique " à ces requêtes sur le code de la famille, je voudrais avertir solennellement les autorités maliennes que le fait de céder à ces exigences sur cette question apparemment peu importante équivaudrait à s’engager sur une pente glissante qui mènera à une fusion totale entre la religion et l’Etat dans le pays. Il est tout à fait erroné, selon une perspective islamique, d’affirmer que les positions des membres du HCI représentent les positions de l’Islam lui-même, car aucun être humain ou groupe ne possède les connaissances divines nécessaires lui permettant de définir l’Islam pour les autres Musulmans.”
Répondant à une question posée par un confrère, lors de sa traditionnelle conférence le 8 juin dernier, le président de la République, Amadou Toumani Touré a été très clair. ”Le Mali n’a jamais été contre le mariage religieux”. Dans un contexte où l’on peut se parler, échanger, débattre, il faut éviter que la passion l’emporte sur la raison. Le gouvernement ne doit plus laisser les rues, marchés, services et les foyers se faire envahir par les interprétations les plus capricieuses, voire les plus malveillantes du texte.
Comme l’a souligné le chef de l’Etat, le code des personnes et de la famille a fait l’objet de toutes sortes de désinformations. Ce n’est pas un code des femmes, encore moins un code imposé par l’extérieur.
Par Chiaka Doumbia