Le 19 novembre 1968, un groupe d’officiers subalternes regroupés du Comité militaire de libération nationale (CMLN) a fait irruption sur la scène publique en renversant le régime du président Modibo Keïta. Quatorze officiers, « des parfaits inconnus » avaient brisé la chaîne de commandement de la hiérarchie militaire pour s’emparer du pouvoir.
« Il mettait à profit le climat d’insatisfaction quasi-général créé par la direction politique de l’Union soudanaise RDA qui avait déclenché quinze mois plutôt (août 1967) une révolution active plus subie que désirée par le peuple. Le Comité national de Défense de la Révolution (CNDR) et ses démembrements locaux avaient institué un climat pesant qui par bien de côtés – notamment à travers les excès de la milice populaire – s’assimilait à une chasse aux sorcières qui ne disait pas son nom. Le peuple fit donc un accueil démonstratif aux quatorze officiers qui prirent le pouvoir et qui avaient justifié leur action aussi bien par la rupture de la légalité républicaine que par l’état économique désastreux du pays », écrivait le quotidien national « L’Essor » dans sa plaquette « Mali 2000 ».
Dans son livre « Du CMLN à l’UDPM, 23 ans de MENSONGES ! », Feu Amadou Seydou Traoré (que son âme repose en paix) considère que « le pouvoir fasciste du “comité” dit militaire présidé pendant 23 ans par Moussa Traoré et ses comparses, fut un régime de liquidation nationale ».
La descente du Mali a commencé ce 19 novembre 1968. Et c’est ce jour que le Mali a dévié de sa trajectoire pour prendre une mauvaise voie. La malchance du Mali est que les jeunes officiers subalternes qui ont pris le pouvoir en novembre 1968 n’avaient ni la vision, ni la compétence, ni le leadership, pour diriger la jeune République dont les fondements avaient été posés par l’équipe de Modibo Kéïta. Si le lieutenant Moussa Traoré et ses comparses du CMLN avaient été des visionnaires pour corriger les erreurs commises par Modibo Keïta, le Mali allait figurer aujourd’hui parmi les nations émergentes.
De nombreuses perversions de la vie publique qui sont dénoncées aujourd’hui ont pris corps sous la IIe République avant de prendre des proportions inquiétantes sous l’ère démocratique. Pour feu Amadou Seydou Traoré, le comité militaire « est l’auteur principal du démantèlement de l’Homme Malien dans ses valeurs morales et patriotiques ». « La paresse, l’inconscience professionnelle, les tricheries, l’effronterie, le dévergondage, le vol, les détournements de deniers publics, les passe-droits, l’indifférence du pouvoir devant les souffrances du peuple, la violence gratuite dans les rapports interpersonnels, l’incivisme, l’effondrement du système éducatif et des sociétés d’Etat, l’étouffement du sentiment patriotique et tant d’autres tares sociales dont souffre le Mali d’aujourd’hui, furent sinon enfantées mais assurément aggravées en cette trop longue saison kaki », écrit l’auteur. Aujourd’hui, certains nostalgiques de ces années de plomb sont à la manœuvre pour dresser la tête des combattants de la liberté et de la démocratie une couronne d’enfer. Ils veulent imposer la voie de la pensée unique en traitant d’apatrides ou de traitres, toutes celles et tous ceux qui osent dénoncer les déviances de l’équipe de rectification de la transition. Ceux qui ont bénéficié des bienfaits de la démocratie et de la liberté s’habillent en costume de dictateurs pour tenter de museler ou de faire taire les voix discordantes. Qu’ils se réveillent ! Pas de place pour les revanchards et leurs complices.
Par Chiaka Doumbia