Le 28 avril dernier, le Président sud-africain Cyril Ramaphosa, au cours d’une conférence de presse à Prétoria en compagnie de son homologue de la Guinée-Bissau Umaro Sissoco Embalo, a salué les actions de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) contre les coups d’Etat.
Selon le Président Cyril Ramaphosa, «Le continent a beaucoup à apprendre de la façon dont la CEDEAO appréhende ce genre de sujets et fait face à une série de coups d’Etat. La détermination et la capacité à décider de la part des organes dirigeants de la CEDEAO sont remarquables et sont un très bon exemple pour le reste du continent». Pour Cyril Ramaphosa, les organisations sous-régionales en Afrique devraient prendre exemple sur la CEDEAO.
Jusque-là, la CEDEAO est aujourd’hui la seule organisation sous-régionale en Afrique à initier une intervention militaire pour réinstaller au pouvoir un Président victime de coup d’Etat. En effet, élu en mars 1996 avec 59,9% Président de la Sierra Leone, Ahmed Tijan Kabbah est renversé en mai 1997 par un coup d’Etat militaire conduit par le Commandant Johnny Paul Koroma au nom du Conseil révolutionnaire des forces armées (AFRC).
La force ouest-africaine de la CEDEAO est intervenue pour chasser la junte militaire et ses alliés rebelles de Freetown afin de réinstaller au pouvoir en mars 1998 le Président Kabbah, décédé en mars 2014 à l’âge de 82 ans. Alpha Oumar Konaré, à l’époque Président du Mali, a joué un rôle-clé dans cette intervention militaire de la CEDEAO pour rétablir au pouvoir Ahmed Tijan Kabbah.
Cette prise de position du Président sud-africain Cyril Ramaphosa jette a priori un pavé dans la mare des détracteurs de l’organisation depuis les coups d’Etat intervenus au Mali, en Guinée et au Burkina Faso qui y voient un syndicat de dirigeants davantage soucieux de leurs privilèges que du bien –être de leurs gouvernés. Cette sortie du dirigeant sud-africain ne plaira pas à ceux qui dénoncent avec véhémence les «sanctions jugées illégales et injustes» imposées au Mali mais aussi les menaces de sanctions qui planent sur la Guinée et le Burkina Faso si les putschistes ne proposent pas un délai raisonnable pour le retour à l’ordre constitutionnel. Vérité absolue ou plaidoyer pro domo d’un président craignant la redoutable perspective dans son propre pays ? Le temps est seul juge et seul Dieu connaît le sexe des anges !
Si la CEDEAO a réussi à imposer une transition civile au Mali en 2012 et au Burkina Faso en 2014 avec la coopération des militaires d’alors, elle a aujourd’hui maille à partir avec les putschistes de Conakry et de Ouagadougou, tout comme les militaires de Bamako qui ont parachevé une insurrection populaire à l’instar de celle de mars 1991, dont nul ne pouvait prévoir l’issue.
Du Capitaine Amadou Haya Sanogo au Colonel Assimi Goïta en passant par Yacouba Issac Zida sans oublier Mamady Doumbouya et Paul Henri Damiba, la CEDEAO a commis plusieurs erreurs en tolérant les auteurs des coups d’Etat. Mais non sans raisons.
La première, ce sont les divergences internes entre les chefs d’Etat en l’absence d’un leadership affirmé et assumé. La seconde raison est qu’elle s’est fragilisée en tolérant que plusieurs de ses ténors tripatouillent la constitution de leur pays pour se maintenir au pouvoir, même lorsque les protestations contre ces coups de force ont été réprimées dans le sang avec la mort de plusieurs de leurs compatriotes. La meilleure façon de faire respecter les principes n’est –elle pas de se les imposer à soi-même ? Sauf que pour d’évidentes questions d’intérêts, les donneurs de leçons ont préféré observer un silence de carpe.
Par Chiaka Doumbia