Comme il fallait s’y attendre, la crise consécutive à la grève du Syndicat national de l’enseignement supérieur a été l’une des questions évoquées par le président de la République, Amadou Toumani Touré ce 8 juin lors de sa traditionnelle conférence de presse à l’occasion de l’anniversaire de son investiture. La question préoccupe tellement le chef de l’Etat qu’elle lui donne des insomnies. Même s’il croit à une éventuelle sortie de crise, ATT est plus que jamais perplexe. ”Nous avons presque perdu une année scolaire qu’on aurait pu gagner.”, a-t-il déploré.
Face à l’auditoire, le président de la République a décidé de faire parler les chiffres, en donnant quelques détails qui pourraient paraître précieux pour une opinion en manque d’informations. En 2002 la masse salariale, qui était de 97 milliards, a atteint 168 milliards en 2007. Aujourd’hui, c’est-à-dire en 2010, elle se chiffre à 248 milliards. Un petit rappel : pendant la Transition, elle n’était que de 40 milliards. Chaque mois, les services de l’Etat doivent mobiliser environ 20 milliards de nos francs pour faire face aux salaires des fonctionnaires. Sur le budget national, le secteur de l’éducation, à lui – seul, se taille la part du lion avec pratiquement le 1/3 des ressources publiques.
Si en 2007, la masse salariale de l’éducation nationale était de 63 milliards, elle atteint aujourd’hui les 93 milliards. Selon ATT, le budget de la masse salariale de l’éducation nationale représente la totalité de celui alloué à l’ensemble de la défense nationale et de la sécurité. Ainsi, de 2002 à nos jours, il y a une augmentation de salaire au niveau de l’enseignement de 60%. Les enseignants du secondaire et du fondamental ont connu respectivement une hausse de 95% et 98%. ”Nous voulons mieux. Les revendications sont légitimes.”, a reconnu le président tout en saluant la démarche du Snesup qui lui avait demandé de s’impliquer personnellement dans la résolution de la crise. ”Je suis à équidistance entre le gouvernement et les enseignants. Rien n’est illégitime dans les demandes. Mais seulement, l’Etat n’a pas les moyens de ce que vous demandez aujourd’hui. Il est temps qu’on se regarde pour se dire la vérité.”, a souligné ATT à plusieurs reprises.
Et si l’Etat acceptait de se plier aux doléances du SNESUP ?
Si le gouvernement accède à la demande formulée par le Syndicat national de l’enseignement supérieur, cela peut produire deux lourdes conséquences dans l’avenir. D’une part, l’Etat ne sera plus en mesure de payer les fonctionnaires à temps. Donc, il y aura des retards de salaires de 2 à 3 mois. D’autre part, l’Etat sera contraint un jour d’appeler les travailleurs pour leur annoncer une réduction de salaires. Visiblement, le président ATT ne souhaite pas être témoin de cette situation qu’il prévoit comme dramatique pour notre pays. Comme on peut le constater, ATT a tendu sa main à ceux qu’ils ne cessent d’appeler ”ses collègues”.
Cette prise de position du président de la République intervient quelques jours après la tenue d’une rencontre entre le Premier ministre et les responsables de la société civile, des leaders religieux et des notabilités du district de Bamako. Au cours de cette rencontre, la ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche scientifique a fait un certain nombre de propositions allant dans le sens d’une augmentation de salaire et du taux des heures supplémentaires.
Joint par nos soins, le secrétaire général du Snesup, Abdoul Mallé est catégorique. ”Les chiffres avancés n’engagent que le gouvernement. Les déclarations sont unilatérales. Les contre-propositions faites par le Snesup n’ont pas été prises en compte. C’est le statu quo avec le gouvernement qui n’est plus en mesure de tenir les négociations. Nous demandons l’implication personnelle du président de la République.” Pour l’heure, la suspension de la grève illimitée n’est pas à l’ordre du jour. Abdoul Mallé et ses camarades sont plus que jamais déterminés. Jusqu’à la satisfaction totale de leurs doléances. Que Dieu aide la vérité !
Par Chiaka Doumbia