Au sein de l’opinion et de la classe politique, des voix s’élèvent de plus en plus pour appeler les différents protagonistes de l’école à trouver une solution juste, rapide et acceptée à une crise qui n’a que trop duré. En effet, depuis presque 3 mois, les enseignants du supérieur sont en grève illimitée.
Après la société civile et les leaders religieux, c’est le tour des partis politiques de monter au créneau pour exprimer leur préoccupation. Selon le Groupe de contact des partis politiques, la crise a atteint un degré de gravité qui interpelle tous et touche l’Etat dans son intégralité. ”Elle commence à menacer la stabilité du pays. La situation est extrêmement grave et exige des solutions sans délais et sans ambiguïté”, a souligné le Groupe de contact qui se propose de rédiger ses recommandations de sortie de crise à adresser au président de la République, Amadou Toumani Touré.
Le syndicat de l’enseignement supérieur est plus que jamais sous pression. Et pourtant, tout le monde reconnaît la justesse, voire la légitimité de ses revendications. Le gouvernement aux abois cherche des alibis en tentant de trouver une connexion dangereuse et malveillante entre les syndicalistes et l’opposition. Comme d’habitude, on s’interroge sur les motivations réelles des enseignants du supérieur. Pour qui roulent Abdou Mallé et ses camarades ?
Même si le dialogue semble noué, le gouvernement aurait trouvé un moyen radical consistant à faire des retenus sur les salaires des grévistes. Ce qui ne sera pas sans conséquence sur le mouvement. La mesure, apprit-on de sources concordantes ne serait pas du goût de certains grévistes qui crient à la violation des textes qui régissent la grève.
On ne sait pas pourquoi le Premier ministre, qui avait toutes les doléances sur sa table, a attendu trois mois pour faire des propositions allant dans le sens d’un certain apaisement. Le gouvernement, surtout son chef, n’a aucune excuse pour n’avoir pas pris au sérieux les syndicalistes. Pour délit de négligence, l’équipe de l’inspecteur général de police, Modibo Sidibé, risque d’avoir, sur son compteur, à l’heure du bilan, une année blanche. Et cela avec toutes les conséquences.
Même si Abdou Mallé et ses camarades reprennent les cours demain (ce qui n’est pas le cas au moment où nous mettons sous presse), le ver est déjà dans le fruit. L’année universitaire est sérieusement compromise. Trois mois dans l’impasse. Nous sommes déjà au mois de juin, période propice pour les examens de fin d’année dans les conditions normales. En cas d’accord, il faudra réajuster le calendrier. Ce qui ne serait pas sans conséquence financière. Demander aux enseignants de dispenser des cours pendant les vacances a un coût.
Qui est en train de perdre dans l’étrange bras de fer en cours? En tout cas ni le gouvernement, ni le Snesup n’en sortent gagnants.
Mais ce sont les étudiants qui constituent les plus grands perdants dans cette affaire. Les enfants des pauvres notamment. Ceux qui n’ont pas les moyens d’envoyer leurs enfants dans des grandes universités à l’étranger. Le ton de la musique est connu de tous. Ce noyau de fils nantis viendra occuper les fauteuils de leurs pères. Bébédoc à la place de Papadoc…et la valse continue.
”Il est alors illusoire et utopique de croire qu’il est possible que la minorité ainsi soustraite à cette parenthèse de pagaille revienne un jour s’installer et s’imposer aux responsabilités quelles qu’elles soient de leurs concitoyens angoissés, désespérés et sans repères”, a souligné le président de la Convention sociale démocrate (Cds), Mamadou Blaise Sangaré, dans une importante contribution. Aux yeux de cet ancien candidat malheureux à la présidence de la République, cela peut produire 3 conséquences qui sont déjà prévisibles. Il s’agit de coupure et de décalage nets entre nationaux de formations différentes. La prise de conscience de ce clivage va conduire probablement à un rejet de ses fils à papa formés à l’extérieur par l’argent dont la provenance est plus que jamais douteuse. L’aggravation de la fracture sociale va sans nul doute conduire à des révoltes, voire des soulèvements. ” La sécurité de mes enfants dépend de celle des enfants des autres ” nous a confié un dinosaure de la classe politique. Que l’esprit de patriotisme guide les pas des différents protagonistes.
Par Chiaka Doumbia