Crésus est devenu très riche grâce à l’or trouvé dans la rivière nommée le Pactole et symbolise une richesse incommensurable. Nous ne sommes pas dans la Grèce antique, mais bien dans un pays en crise depuis belle lurette. Pourtant, on ne le dirait pas!
Dans sa parution du lundi 24 juillet 2023, notre confrère ‘’L’Inter de Bamako’’ donne un coup de projecteur sur un phénomène de société, même s’il n’est ni une nouveauté ni une exclusivité maliennes. Il nous est arrivé en effet d’assister de temps à autre au spectacle offert par un compatriote apparu soudainement dans la jet-set, crevant l’écran par son standing, ses frasques, les louanges chantées à sa gloire par les stars, ses œuvres caritatives fortement médiatisées.
Plus le nouveau Crésus est prompt à mettre la main à la poche pour exposer sa générosité à coups de liasses de billets et de cadeaux somptueux, plus c’est la ruée vers sa personne d’adeptes au gain facile. Les exemples sont légion et le regretté Fountago dit Baba Sissoko reste inégalable sur le registre. Toutefois, la réapparition du phénomène dans le contexte actuel a de quoi laisser perplexe, à en juger par les nombreux commentaires et interrogations dans l’opinion.
En effet, pendant que la sempiternelle précarité s’empire dans un Mali englué dans une crise complexe depuis plus de dix ans, des célébrités riches sorties du néant ravissent la vedette aux honnêtes citoyens qui peinent à vivre de la sueur de leur front, s’indigne Yoro Sow, rédacteur en chef de ‘’L’Inter de Bamako’’.
En effet, pendant que la résilience est censée requérir de lourds sacrifices à tous les fils du pays du fait de cette crise, les pauvres hères qui cherchent de quoi se mettre sous la dent ont le vertige en voyant des fortunes dilapidées pour le prestige. A moins que….
Mais, entre nous, d’où pourraient provenir ces impressionnantes mannes financières? Autant chercher une aiguille dans une botte de foin. Déjà en 2009, Me Mountaga Tall, Président du Cnid-Fyt alertait l’opinion sur le risque de voir un narcotrafiquant ou un parrain des narcotrafiquants prendre un jour le pouvoir au Mali. Beaucoup d’eau ont coulé depuis sous les trois ponts de Bamako. Dans sa tribune intitulée «Faut-il désespérer du Mali d’IBK», qu’il a publiée en 2014, Pr Issa N’Diaye, philosophe et homme politique, mettait le curseur sur l’influence de l’argent de la drogue sur la stabilité du pays.
«Ce ne sont pas seulement les groupes armés rebelles qui ont intérêt à semer la pagaille dans le nord du Mali. Le conflit a des racines économiques puissantes. Il s’y est développé une économie souterraine mafieuse basée sur toutes sortes de trafics, d’armes et surtout de drogue. Derrière les discours religieux et indépendantistes se déroule une bataille féroce pour le contrôle des réseaux et des routes de trafic. Bien des gens en tirent des bénéfices tant au sein des appareils de l’État que de la classe politique aussi bien au Mali que dans certains pays voisins. L’argent de la drogue est devenu un enjeu économique et financier global plus que le djihadisme ou la rébellion armée qui n’en sont que le vernis. On fait malheureusement semblant de l’ignorer. Il alimente en partie le système financier international et on le sait. L’argent de la drogue est devenu un enjeu économique et financier global plus que le djihadisme ou la rébellion armée qui n’en sont que le vernis. On fait malheureusement semblant de l’ignorer. Il alimente en partie le système financier international et on le sait. L’argent de la drogue déstabilisera nos pays tant que nous n’en extirperons pas les racines qui sont au cœur même de nos institutions », soulignait Pr Issa N’Diaye.
Au regard de ce qui se passe au Mali et face aux connexions entourant la situation sécuritaire du pays, les alertes de Me Mountaga Tall et les assertions de Pr Issa N’Diaye restent d’actualité et appellent à une profonde réflexion.
Par Chiaka Doumbia