Entre Nous : Ça se passe au Kenya

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«Nous avons choisi Raila Odinga pour être le 5ème Président du Kenya. Nous n’avons aucun doute, nous avons un capitaine d’équipe qui s’appelle Raila Odinga ». Ainsi s’adressait le Président Kenyan, Uhuru Kenyatta, le 12 mars dernier à des milliers de ses partisans à Nairobi.

Le cas est rare pour ne pas être signalé. Le Président Uhuru Kenyatta, après deux mandats successifs à la tête du pays, a décidé de soutenir son principal opposant Raïla Odinga, au détriment de son Vice-président William Ruto. A 77 ans, cet opposant historique qui se présente pour la cinquième fois à une élection présidentielle, n’a jamais été aussi proche du pouvoir suprême temporel. Il est rare de voir les Présidents africains sortants emprunter une telle voie en faveur de celui qui fut leur opposant.

Il faut aussi se demander si les deux leaders n’avaient pas fait un deal en mars 2018, négocié par l’entremise des Etats-Unis d’Amérique qui restent très influents au Kenya. Si un tel deal existait, le Président Uhuru Kenyatta est donc un homme d’honneur qui respecte ses engagements sur un continent où les reniements et les revirements sont devenus le sport favori d’une race de dirigeants pour masquer leur incompétence et leur platitude. L’accession de Railda Odinga à la magistrature suprême, si elle venait à se réaliser, pourrait contribuer à maintenir sur la voie de la démocratie le Kenya où les institutions s’enracinent davantage avec la qualité des hommes et des femmes qui les animent. Une stabilité dont le Kenya a fortement besoin pour mieux attirer les investissements étrangers.

Si l’alternance au pouvoir est l’oxygène de la démocratie, des approchements entre anciens rivaux, comme ce qui se passe actuellement au Kenya, ne doivent pas se faire au détriment du désir de justice du peuple. Ils ne doivent pas non plus être une source d’impunité pour les soutiens des deux camps s’ils ont commis des infractions dans l’exercice de leurs fonctions respectives.

Cette image, du moins ce soutien du Président Uhuru Kenyatta, montre aussi aux citoyens qu’il ne sert à rien de se livrer à des affrontements fratricides pour un politicien. Les populations doivent maintenant comprendre que les politiques restent ce qu’ils sont et que les enfants des pauvres ne gagnent rien à sacrifier leur vie pour eux.

Des milliers de personnes ont perdu la vie lors des contestations post-électorales nées du refus de Raila Odinga de remettre la victoire à son challenger. De nombreux citoyens vivent avec des handicaps tandis que d’autres ont assisté impuissamment à la destruction de leurs biens sans recevoir d’indemnisation. Aujourd’hui, Uhuru Kenyata et Raila Odinga devraient avoir sur leur conscience les pauvres innocents, instrumentalisés et manipulés au nom d’une idéologie qui n’en est pas une.

Le temps est venu pour les leaders africains de comprendre que leurs divergences politiques ne doivent aucunement les conduire à susciter des affrontements entre leurs partisans ou à des oppositions inter-ethniques. Et qu’ils peuvent être des adversaires politiques sans être des ennemis. Le temps est aussi venu pour les populations d’arrêter de s’entretuer pour des leaders qui se donnent des accolades pendant que les corps des victimes ne sont pas encore refroidis.

Par Chiaka Doumbia

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