Avant la rencontre d’hier dimanche des chefs d’Etat – major des armées de l’Algérie, du Mali, de la Mauritanie et du Niger à Tamanrasset, les événements se sont accélérés de façon spectaculaire dans le nord de notre pays avec comme dénominateur commun : Al Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi). D’un côté, les forces armées et de sécurité de la Mauritanie qui opèrent chez nous et, de l’autre, la France à la recherche de ses otages enlevés au Niger qui seraient transférés au nord.
Curieusement, c’est au moment où nous célébrons les 50 ans de notre indépendance que des avions militaires de l’ancienne puissance survolent notre territoire en toute impunité. C’est également au moment où nous célébrons notre cinquantenaire qu’une armée étrangère tue nos concitoyens comme des petits poussins sans la moindre réaction officielle du gouvernement. C’est encore au moment où l’on distribue des grades de général que notre armée éprouve des réelles difficultés à faire face à sa mission cardinale de défense de l’intégrité territoriale.
Usant d’un prétendu droit de poursuite offert par le président Amadou Toumani Touré, l’aviation militaire de la Mauritanie continue de pilonner ce qu’elle appelle les positions d’Aqmi au nord du Mali. Et cela à la porte de la Cité mystérieuse Tombouctou, où l’indignation est à son comble. Les soldats mauritaniens sont allés jusqu’à bombarder des innocents civils désarmés en tuant une femme et une fille. Pour les extrémistes d’Aqmi, c’est un "lâche crime perpétré par l’armée mauritanienne, agissant à la solde des mécréants et des croisés qui tuent en Afghanistan et en Irak des innocents. ”A leur avis, ”la guerre que Mohamed Ould Abdel Aziz mène par procuration à la place de la France est une folie.”
Même la visite effectuée par le général putschiste mauritanien Mohamed Ould Abdel Aziz (il était à Bamako, le 22 septembre dernier) n’enlève en rien à la gravité des faits.
Inquiétante est en effet cette attitude du président ATT qui a pourtant prêté serment de défendre l’intégrité territoriale du Mali. Le locataire de Koulouba ne souhaite pas voir un débat politique sur cette question.
Silence coupable de la classe politique !
Dans leur analyse de la situation, ATT et ses officiers oublient que le général putschiste, Mohamed Ould Abdel Aziz, a une autre préoccupation qui n’est pas seulement la lutte contre le terrorisme. Hanté par le spectre d’un coup d’Etat, l’armée mauritanienne ayant une solide réputation en la matière, Mohamed Ould Abdel Aziz a trouvé de quoi occuper son armée avec cet vrai faux problème d’Aqmi. Mais en voulant sauver son régime, il risque fort de déstabiliser celui de son frère ATT.
Même si la majorité de la classe politique observe un silence coupable, des voix s’élèvent de plus en plus pour dénoncer ce qui n’est ni plus ni moins qu’une violation de notre souveraineté.
A la suite du Rassemblement pour le Développement et la Solidarité (Rds) de Pr Younouss Hamèye Dicko, l’ex-première dame, Adame Ba Konaré, une intellectuelle engagée, a pris son courage pour dénoncer ce qu’elle qualifie comme une atteinte grave à notre souveraineté. ”C’est déplorable. C’est vrai qu’en tant que républicains, on considère que c’est une attaque grave à notre souveraineté et quand on entend même le président français déclarer qu’il va livrer la guerre contre Al-Qaïda au Mali, je pense que c’est quand même une déclaration très grave qui sape absolument notre indépendance, notre souveraineté. Il y a de quoi être inquiet.”, a-t-elle souligné dans un entretien accordé à nos confrères de Radio France Internationale.
La réaction de plus en plus hostile de l’opinion obligera-t-elle les autorités maliennes à changer le fusil d’épaule ? Car ce mépris pour notre souveraineté territoriale discrédite le pouvoir de Bamako. Il s’agit donc pour le président ATT de dire à la France de Nicolas Sarkozy et à la Mauritanie de Mohamed Ould Abdel Aziz de faire preuve de sagesse et d’humilité.
Par Chiaka Doumbia