Il refuse de prendre Sarko au téléphone, éconduit poliment Mbeki, ignore superbement le sommet express de ses pairs de la Cedeao et forme son gouvernement avec l’indicible Blé Goudé pour toute réponse aux menaces d’Obama : Laurent Gbagbo est décidément en verve et en veine. Personne n’aura mieux nargué la fameuse communauté internationale que Gbagbo ces jours-ci.
S’agit-il du dernier baroud d’un résistant qui ne s’attendait pas à une offensive d’une si grande ampleur? Au vu du rouleau compresseur en marche sur Abidjan, ça paraît évident. Car malgré sa combativité reconnue, celui qui a juré de faire de la lagune Ebrié le Dien-Bien-Phu de la Françafrique ne peut pas ne pas se sentir prisonnier de son propre marécage. Mais sous d’autres angles, on se prend à penser que Gbagbo ne bluffe pas. Qu’il fera tout pour rester et qu’il n’hésiterait pas à tomber lui-même pourvu de le faire les armes à la main. Son combat de toujours, avait dit l’historien, était contre la néo-colonisation.
Ce combat, il l’a répété, reste d’actualité. Dès lors, il ne pourra être qu’un libérateur ou un martyr, aux yeux de ses fans tant à l’intérieur qu’à l’extérieur. D’ailleurs, il n’est exclu de penser que Gbagbo écarte le schéma de l’action militaire de l’organisation sous-régionale contre lui. Il est vrai, le communiqué final de la Cedeao a pris parti pour Ado mais rien, dans ses termes, ne permet d’anticiper une action militaire contre l’usurpateur qu’il est devenu lui, depuis la certification des résultats par l’Onuci et le rejet de la décision du Conseil constitutionnel.
Or les sanctions fussent-elles ciblées feront aussi mal au président reconnu par la communauté international qu’à celui qu’elle rejette, tant que Gbagbo conservant la réalité du pouvoir en laissant la vanité au président élu. Impossible à imaginer. Car après tout ce raout, on ne peut pas venir dire aux Ivoiriens, aux Africains et au monde que les menaces n’ont pas payé et qu’il vaut mieux léser Ado qu’essayer d’éradiquer Gbagbo, à cause du risque d’embrasement sécuritaire de la sous-région et du coût dissuasif d’une expédition punitive contre l’ancien et toujours homme fort d’Abidjan.
Adam Thiam