Le vieux Ganglè, un ancien combattant de la guerre mondiale se prononce sur la célébration du cinquantenaire de l’indépendance du Mali.
Také : Les Maliens sont motivés par la célébration du cinquantième anniversaire du pays. À cet égard, diverses activités sont menées un peu partout.
L’impact est-il positif?
Ganglè : Le cinquantenaire est un gros business pour les gens qui ont la main dans la pâte. Comme d’habitude, des fonds sont débloqués au nom de tout le monde et les nantis le jonglent entre eux comme un ballon de foot. Comme tu l’as dit, des activités sont menées partout. Les riches sont en train de se décerner des prix et trophées lors de galas luxueux très coûteux. Pis encore, ils invitent les pauvres en grand nombre comme spectateurs ne pouvant que les regarder en train de partager le bien public. Le cinquantenaire a déjà fait des frustrés et des stigmatisés.
En tout cas, beaucoup d’infrastructures ont été réalisées et tant d’autres sont en chantier. Mais dommage, ces ponts, routes, échangeurs et bâtiments ne sont pas mangeables. La sécurité alimentaire est la seule priorité qui doit être prise en compte en lieu et place des initiatives fantaisistes. La grande majorité des Maliens ont faim même si les dirigeants ne veulent pas qu’on en parle. Tout ce que nous voulons, c’est d’avoir les trois repas quotidiens. De toutes les façons, les prétendus responsables du pays s’en foutent.
Tous ces milliards jetés dans du béton pouvait pleinement assurer l’autosuffisance alimentaire. C’est par cela que tout devait commencer. Ainsi, nous pourrions nous taper la poitrine en disant : «Après 50 ans, les Maliens ont bouté la faim». Mais nos dirigeants ont décidé de nous faire endetter pour les 50 ans à venir, et rien que pour des choses qui pouvaient bien attendre. Ils doivent pourtant savoir que pour construire, on commence forcement par la fondation. La célébration du cinquantenaire est devenue un business avec l’implication de certains architectes et historiens qui bouffent dans la même assiette que le pouvoir. Ha les historiens! Ils ont attendu 50 ans pour montrer que le Mali est riche en histoire. Allahou akbar (Dieu est grand).
Le pognon étant sur la table, des documents sortent de tous les coins comme si auparavant les gens n’avaient pas le droit de les accéder. Dans cette précipitation, le constat est que la grande majorité de nos compatriotes ne savent même pas ce qu’on leur raconte sur Sabouciré ou sur la révolution active de Modibo Kéita, premier Président du Mali indépendant. Tu sais pourquoi? Parce qu’ils se sont longtemps tus sur notre histoire jusqu’au point où certains n’y accordent plus l’attention. On appelle cela «Le médecin après la mort.»
C’est aussi le même cas pour l’environnement. Par ailleurs, le terme arbre du cinquantenaire me fait tellement rire que j’ai dû mal à en parler. Au début, quand le Ministre de l’environnement et de l’assainissement Tiémoko Sangaré en parlait, je croyais que c’était une blague. Il est même allé loin en soutenant l’idée que les nouveaux couples mariés doivent planter leurs arbres. Du n’importe quoi dans un pays où tout est permis aux nantis. Les pauvres n’ont droit à rien !
Quand tu le vois dans les cérémonies bien médiatisées de plantation d’arbre, on a l’impression que le reboisement a été connu pour la première fois en 2010. Que Dieu ait pitié de ces malheureux arbres plantés devant les caméras et livrés à leur sort. Je ne comprends pas pourquoi le ministre Tiémoko a attendu ce moment pour s’intéresser à cette activité vitale et très importante. On doit demander au ministre ce qu’il faisait pendant tout ce temps. Monsieur le ministre, si vous m’entendez, sachez que la plantation d’arbres est un travail de tous les jours. Et je vous en prie, n’attendez pas encore un autre cinquantenaire pour vous mettre au travail.