Lors de la première assemblée générale du Cmdid (Centre malien pour le dialogue inter- partis et la démocratie), le 19 juin dernier, Rool Von Mejfendt, Directeur général de l’Institut néerlandais pour le dialogue multipartite (Nimd) indiquait : « Une démocratie ne s’exporte pas. La démocratie malienne se construit entre les mains des différents acteurs maliens. »
Cette déclaration renvoie à une conception malienne de la démocratie. Est-ce possible ? Au cours de sa mission de réflexion sur la consolidation de la démocratie, le comité d’experts présidé par Daba Diawara a mentionné qu’il « n’a pas perdu de vue que la question cruciale à laquelle il se devait d’apporter une réponse idoine est celle de savoir comment faire, tout en épousant les contours d’une modernité universelle marquée du sceau de l’Occident, pour préserver et conserver l’âme africaine dans tous les domaines de l’activité humaine, notamment celui de l’organisation de l’Etat.
Aussi, s’est-il fait à la conviction que la réflexion sur la consolidation de la démocratie au Mali ne peut atteindre les résultats escomptés si l’on fait l’impasse sur l’histoire institutionnelle de ce pays séculaire.» Le comité a fait référence à une histoire qui renvoie d’abord aux empires médiévaux du Soudan occidental qui ont jeté les bases de l’Etat précolonial. L’empire du Mali, a indiqué le comité, avait déjà, sous le règne de son fondateur Soundiata Kéita, élaboré et annoncé, à travers la déclaration de Kurukan fuga de 1236, les fondements juridiques, sociaux, économiques et moraux de la nouvelle entité politique. Une histoire qui renvoie ensuite à la colonisation qui a brisé l’architecture institutionnelle des Etats précoloniaux et progressivement instauré au Soudan français les éléments d’un droit constitutionnel importé, condamnant de ce fait le Mali à inscrire son avenir institutionnel dans des moules conçus pour d’autres pays.
Le comité a, aussi, cité une histoire qui renvoie à la période postcoloniale, celle qui va de l’indépendance à nos jours, caractérisée par la diversité des régimes politiques qui ont, chacun, laissé des empreintes continuant de façonner nos méthodes de gouvernement, notre conduite face à la chose publique et aux biens publics. C’est compte tenu des leçons tirées de ce riche passé que le comité d’experts a élaboré son projet de réforme politique. La question est de savoir si le projet correspond véritablement à ce que Rool Von Mejfendt, Directeur général de l’Institut néerlandais pour le dialogue multipartite, décrit comme une démocratie qui ne s’exporte pas, mais qui se construit entre les mains des différents acteurs maliens.
En fait, toute la problématique des institutions africaines réside dans le fait qu’elles sont souvent calquées sur les institutions occidentales, excluant une bonne portion de sa population, en majorité analphabète. C’est vrai que, comme l’a si bien décrit le comité, les liens entre l’Occident et l’Afrique ont été très solides, mais encore faudrait-il se reconnaître dans ses propres institutions. Le débat sur le code des personnes et de la famille est un exemple patent de la divergence entre notre société et des lois qui heurtent sa culture.
En somme, le peuple malien ne se reconnaîtra pas dans une culture exportée et c’est surtout dans ce sens qu’il faut comprendre les déclarations de Rool Von Mejfendt : « Une démocratie ne s’exporte pas. La démocratie malienne se construit entre les mains des différents acteurs maliens.» C’est dire que les hommes politiques ont encore beaucoup de chemin à faire pour élaborer des projets de société conformes à la vision des Maliens.
Baba Dembélé