Décryptage : Le positionnement politique de la transition

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Ce matin, dans décryptage les mesures fiscales et les tragédies successives à Kobé et à Kéniéba.

Nécessaire passerelle démocratique

Le 10 février 2025, le Premier ministre Abdoulaye Maïga affirme ceci : « Nous sommes en transition. Il n’y a ni majorité ni opposition ». C’était lors de la conférence de presse sur les contributions spéciales de solidarité et sur la consommation des boissons alcoolisées. La pratique du pouvoir favorise l’avènement des sagesses politiques. Ce discours de Maïga montre son intérêt pour une transition apaisée, concrète et courte. Voilà donc un fait politique qui remet sur la table le sens d’un régime de transition : l’inclusivité.

Ni clivage, ni chasse aux sorcières, un régime transitoire est par définition un pouvoir d’unité nationale dont la finalité est le retour à l’ordre constitutionnel. Entre mars 1991 et juin 1992, la première transition du Mali indépendant, celle d’Amadou Toumani Touré, a doté le pays d’un président élu, Alpha Oumar Konaré. Entre avril 2012 et septembre 2013, la 2eme transition, celle de Dioncounda Traoré, a consacré l’élection d’Ibrahim Boubacar Keïta à la magistrature suprême. Décryptage : durant ces deux premières transitions, les confusionnistes n’ont pas réussi à miner le jeu politique, c’est-à-dire à enfouir le débat public sous la natte d’une supposée faillite démocratique. Elles donnent à comprendre la nécessaire passerelle démocratique à construire entre régime transitoire et régime civil.

Quand la fiscalité divise

Aujourd’hui, le Premier ministre Maïga capte cet enjeu : inscrire la gouvernance dans une politique d’ouverture. Parce qu’un régime s’éteint lorsqu’il ne s’adapte pas. La confiance s’étiole également. Evidemment, les nouvelles mesures fiscales ne sont applicables que sur une petite échelle de la population malienne à cause de la fragilité économique de sa grande majorité. C’est une des raisons pour lesquelles elles divisent. Mais, la conférence de presse du 10 février 2025 traduit un fait politique : une certaine disposition de l’exécutif à mieux communiquer et à adapter les mesures fiscales, devenues des sources de dispute dans une société où le taux d’incidence sécuritaire augmente. Nous sommes le 7 février 2025 à Kobé, à vol d’oiseau du camp militaire de Gao, lorsque plus d’une vingtaine de personnes meurent dans une attaque narcoterroriste. Les témoins décrivent une scène apocalyptique. Les spadassins de l’Etat islamique au Sahara et d’Aqmi imposent la terreur territoire par territoire. Les moyens de transports, de circulation et de subsistance (marchandises) sont détruits. Une politique de la terre brûlée dont l’objectif est d’appauvrir et d’affamer les survivants. Ils mettent en scène la terreur.

Le fantôme des tragédies

Cela fait maintenant presque quinze années que s’opère un glissement. La lutte des États contre le narcoterrorisme est loin d’atteindre ses objectifs : paix, justice, développement et liberté. La reconquête des territoires est supplantée par une stratégie de protection. Les États de l’AES sont à une période charnière où le tragique et l’angoisse brouillent les cartes. Pas seulement dans la zone des trois frontières. Le 15 février dernier dans le cercle de Kéniéba (Kayes), une cinquantaine de personnes meurent dans l’affaissement d’une mine d’or artisanale où elles croyaient trouver un travail, une pépite. Mais, hélas. Dans ces mines artisanales, elles cohabitent davantage avec la tragédie et la mort. Une mort que les familles des victimes ne peuvent accepter. Rappelons-le : la Constitution de juillet 2023 rappelle que « Le peuple souverain du Mali […] s’engage à assurer l’amélioration de la qualité de la vie et la protection de l’environnement […] ». Disons-le aussi franchement : le mépris et l’impunité structurent l’exploitation aurifère artisanale où tout se passe à l’encontre du droit. Et tout le monde le sait. Pourtant, l’État a les ressources pour y faire face sous réserve de reprendre la main pour faire respecter le droit et la justice. En attendant, espérons que justice soit rendue. A l’Est comme au Nord du pays, le fantôme des tragédies hante l’exécutif au moment où il décide des mesures fiscales pour maîtriser les crises : sécurité, énergie, etc.

Concluons sur le fait que dans un régime transitoire, « Il n’y a ni majorité ni opposition ». Cela implique, pour l’exécutif, de rassembler les Maliens autour de projets novateurs pour sortir des crises. Espérons que la future charte nationale pour la paix et la réconciliation nationale réalise le rêve de de « nation souveraine, réconciliée, tolérante et en paix dans un État refondé reposant sur une gouvernance démocratique, juste et équitable ». Aujourd’hui, il urge de comprendre que le centre de gravité de la transition se situe entre ses positionnements économique et politique dont l’équilibre est à trouver dans l’impérieuse nécessité de changement : relance de l’économie, date des scrutins électoraux, etc. Aussi bien les carnages des groupes narcoterroristes que les abus sur les sites aurifères artisanaux enjoignent de construire avec les Maliens un nouvel horizon pour la paix, la sécurité, le développement et l’égalité. Pour que résonne à jamais la 4eme République.

 Peut-on se passer de la politique dans le débat public ?

  • Non, car elle est la solution pour co-construire une gouvernance vertueuse ;
  • Oui, parce qu’est inefficace pour gérer le pays ;
  • Et vous, qu’en pensez-vous ?

 

Mohamed Amara

Sociologue

 

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