De quoi je me mêle ? : Une minute de silence pour ceux qui vont naître

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L’histoire qui vous est contée ici m’a été confiée par quelqu’un qui exige un total anonymat, histoire de ne pas se faire repérer et se faire étriper par un cousin à plaisanterie à lui, donc un Samaké, contre quelques excuses distraites à sa famille, car entre ceux de sa lignée et les Samaké, il n’y a jamais de procès.

Voici l’histoire : Djibril Traoré, – pas le flamboyant reporter sportif national- conduisant une vieille Peugeot 504 aux pneus épuisés, rien qu’un phare et un seul feu rouge, écrase, au passage, la jambe droite de la vieille Bintou Diarra vendant tranquillement ses cacahuètes sur le trottoir. Les freins avaient lâché, s’en expliquera l’assassin, mais en réalité, il n’en avait simplement pas, en dépit du RAS de la visite technique. Alors, commencèrent les tractations entre les parents de l’accidentée et l’accidenteur lui-même. Pas pour longtemps, ils venaient de découvrir qu’ils étaient cousins à plaisanterie et que pour rien au monde cette histoire ne devait atterrir chez le commissaire ou le juge. C’était la première histoire.

 La deuxième histoire est plus sanglante. Sekou Maiga – pas celui du PACR, j’ai vérifié- nettoyait son fusil quand le coup partit et descendit sec un Harber Touré – pas notre excellent monteur- Le tueur n’avait pas de permis de port d’arme mais il était techniquement impossible pour un Touré de mettre un Maiga en prison. Troisième histoire : Diallo, un grand DAF de la place, avait semble t-il, un petit manquant de caisse. Enfin… petit, c’était quand  même le tiers du crédit du troisième trimestre de son département qui n’en est pas un tout petit. Manque de pot pour lui : un contrôle inopiné. Mais fortune tout autant inopinée : le contrôleur est Kanté et le trou peut donc en être oublié.

Des histoires comme ça, mon ami en a à la pelle. Il est inquiet que ce pays ne pervertisse également le concept et la pratique du cousinage à plaisanterie. Il ne dort plus en y pensant et il dit : si cela arrive, alors il n’y aura plus qu’à observer dès maintenant une minute de silence pour ceux qui vont naître. Exagération bien sûr, car sans me mêler de ce qui me regarde, je sais d’expérience qu’il y a toute un pan de notre vie qui n’est pas souillée par le sanankouya : les 1000 francs que les chauffeurs de sotrama et de taxi glissent dans leurs cahiers chaque matin. Pour nos cousins nationaux qui, eux, ne sont pas pour la plaisanterie.

Adam Thiam

 

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