Monsieur le Président, j’ai l’honneur de venir vous informer très respectueusement de l’existence d’un second musée national. Il est domicilié chez moi-même. Il est jeune mais pas moins performant que ce vieux machin de Samuel Sidibé au pied de la colline.
La différence entre nos deux musées ? Lui, c’est l’Etat qui le finance, son personnel c’est l’Etat, son fonds de fonctionnement c’est l’Etat, les objets c’est l’Etat sauf ceux que je lui prête pour qu’il les expose quand il reçoit des hôtes de marque. Bref la ponction publique, comme on dirait du côté de Bandiagara.
Mais moi, ni corruption discrète ni népotisme, tous payés de ma poche, ce sont mes neveux et nièces qui font marcher mon musée baptisé d’ailleurs du nom de Penda Yoro dont l’illustre parfum embaumait le Bani et le Niger.
Et puis, Monsieur le président, vous ne vous y sentirez pas du tout dépaysé. Chez moi c’est comme chez vous. Pas le palais, car vous l’avez dit vous-même, vous n’y êtes plus que pour quelques mois. Je parle de chez vous à Mopti. Tout dans mon musée respire et restitue la Venise.
Des cornes de taureau le long des murs, de la musique de Bara Sambaré en sourdine, l’odeur de la viande façon Apollo, les beaux kerkas que Sarkozy ne veut plus voir acheter, les jolis tissus d’un jaune cruel sur fond de poussin noir et que les Peulettes adorent -oups!-, l’ambre, les plats délicieux du coin, tiordi et maram banadjè, les selles de chevaux, les fusils de Barbé. Donc, Monsieur le Président, réfléchissez une dernière fois avant d’amener votre médaille chez Samuel. Posez plutôt un geste à l’endroit de l’initiative privée.
Si vous le faites, Monsieur le président, alors vous aurez accompli un pas de géant dans la lutte contre la pauvreté. Celle-ci ne pouvant être vaincue que si nous vainquons chacun notre pauvreté. d’ailleurs sans me mêler de ses affaires, Samuel est bien le genre à demander que le Coréen Choi certifie la médaille avant toute chose. Or moi, je n’oserai jamais, et vous le savez, exiger une contre-expertise.
Adam Thiam
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