Le grand-frère avait pris mon CV pour la bonne affaire. Je découvre ce matin trois mille autres Maliens dans mon cas. Avec une différence de taille : certains, avec leur Toyota V8 ont amené féticheurs et marabouts de partout. Quelqu’un s’est même payé un chef féticheur qui puait tellement que la Protection civile du quartier dût déménager.
Le commanditaire appelait ça la dissuasion nucléaire ! Un autre, très ostentatoire (son frère cadet est Dim, c’est à dire Daf intouchable au Mali) a fait venir un Cheikh pour trois semaines. Tous les jours, mouton, fumet de rôti et défilés de grosses cylindrées. Objectif : décrocher le poste de ministre de la Défense (les pièces détachées, l’armement, les tenues, la bouffe pour les militaires c’est de gros marchés). Mais moi, je peux quoi ? Rien. Nada. Nothing. Foyi. Fayi Por comme on dit dans la ville du grand-frère.
Et puis à la dernière minute, on ose venir me dire que mon enquête de moralité n’est pas bonne, que je devais du fric à pas mal de monde. Y compris les boutiquiers du coin, le quincailler, la vendeuse de poisson, le garagiste. On a poussé le zèle jusqu’à aller cuisiner le maître coranique des enfants auquel je dois quatre mois et qui aurait même confié ses doutes sur mon statut de musulman. Le total de tout ça ne pouvait être que catastrophique pour moi. Sans compter mon habilleur doux comme un agneau avant la publication de la liste mais qui menace maintenant de saisir le Camp 1 pour que je le paye pour ses costumes.
Franchement, un cadre malien non endetté, c’est clair ça ? Comment, il vivrait alors ? Sous la Dina, l’endettement des agents de l’Etat était un problème, certes. Mais Sekou Ahmadou, lui, en cherchait les motifs. Si c’était pour la marmite, le Trésor public payait. Au grand-frère, faut pas parler d’argent mais alors, car cela me regarde pour une fois, que seul le critère pour être ministre soit de savoir chanter Iyo Djeli de Oumou Sangaré ! Tu ne peux pas reprendre à la perfection ce tube du cinquantenaire ? Alors tu ne seras pas ministre au Mali.
A moins de recourir au talent de danseur de mon ami de Rarhouss. Car, c’est clair qu’avec une PM du Nord, – qui est ma cousine, côté maternel et troisième génération – le grand-frère nous invite à boucler son mandat sur un air de Takamba. On y va ?
Adam Thiam