Il paraît qu’un jour, vêtu de boubou blanc et de vertu candide, le craquant Modibo Keita prenant un bain de foule « spontané » organisé par un zélé préfet s’arrêta près d’un paysan qui se révoltait contre la commercialisation forcée des récoltes à l’Etat communiste, ce qui n’existait pas même sous le méchant commandant blanc. Question fatale : « monsieur le président, à quand la fin de l’indépendance?» Offense à chef d’Etat, révisionnisme, trahison suprême, plus personne n’a revu le gars, semble t-il.
Six ans plus tard, le successeur de Modibo Keita, le colonel Moussa Traoré, dans une de ses conférences de cadres adorées était magnanime pour le petit vieux qui cherchait à se frayer un chemin jusqu’à lui, au présidium. « Vous êtes un cadre ?» lui lança le président. « Non ! Un Malien » rétorqua le petit vieux. « Alors ? » fit Moussa Traoré ? « Président, quand vous prenez quelque chose de trop lourd, qu’est ce vous devez faire ? » « Vous devez le déposez » enchaîna le président.
« Déposez donc l’indépendance de notre pays ». Puis, dans une performance olympique, le petit vieux prit ses jambes au cou. Qui est fou ? Quinze ans plus tard, à Ouaga, Alpha Oumar Konaré dénonçait les conditionnalités néolibérales. Sa formule était belle qui déplorait « les familles ou le fils est jeune diplômé chômeur et le père compressé involontaire».
Il était alors à l’Union africaine mais quelqu’un s’est souvenu qu’il avait été président du Mali avant et même un peu bon élève de Bretton Woods. Puis arrive Amadou Toumani Touré, le président aux formules-choc qui ne mit pas longtemps à découvrir que « le pays est sur répondeur ». Heureusement, comme pour dire que tout n’est pas pourri, RFI qui n’aime pas se mêler de ce qui ne la regarde pas vient de produire une anthologie de la musique africaine du cinquantenaire. De Kabasélé à Salif Keita, indépendance chacha contre tous les constats lugubres. Gémissement de cordes, crépitements tam tam- Hululements de flûtes. Nous dansons, donc nous sommes. Oui, Nin foli kadi malidenu ye!
Adam Thiam