Contre la démocratie malienne : Des vautours et des hyènes assoiffés et affamés

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L”Histoire politique du Mali doit retenir comme actes de sabotages criminels, condamnables, l”inféodation de la Cour constitutionnelle au pouvoir et la violation du règlement militaire, de surcroît par des officiers supérieurs (même des généraux). Ce sont là deux institutions (l”armée et la justice) dont la faiblesse peut être fatale pour toute démocratie.

La culture bamanan retient une seule image de ces espèces animales, celle des "dévoreurs redoutables de chair, de charogne". Les noms vautour et hyène sont évocateurs de mauvais signes.

Dans un article paru dans la presse en 2006 après la débâcle électorale des partielles de Mopti, je lançais un appel aux patriotes et aux démocrates pour une prise de conscience urgente en vue de la sauvegarde de la démocratie et de la préservation des acquis de la Révolution du 26 mars 1991. J”avais en même temps identifié les dangers qui menaçaient notre démocratie.

Quelques mois après, les initiateurs du Manifeste pour la démocratie ont fait appel à l”éveil et à la responsabilité de la classe politique malienne. L”ADJ, qui est derrière le Manifeste, n”a jamais cessé de rappeler les dérives dictatoriales du pouvoir et la complicité de certains partis politiques dans le non-respect de la volonté du peuple.

Aujourd”hui, nous ne parlons plus de menaces mais des actes et des faits qui illustrent la monarchie terroriste et dictatoriale et qui foulent au pied l”essence même de la République, les principes élémentaires de la démocratie et de la morale. L”unité nationale et la cohésion sociale sont mises sous le boisseau.

Le jeu démocratique ne se conçoit que dans la remise en jeu du mandat. Cette remise en jeu se manifeste concrètement dans des élections libres, transparentes et crédibles. Il n”y a donc pas de pouvoir démocratique, loyal et légitime sans élections propres et crédibles.

Les élections de 2007 au Mali (présidentielle et législatives) ne s”apparentent qu”aux principes monarchiques et même hitlériens car ayant comme démarche l”extermination d”une couche ou d”une classe politique avec comme objectif final la disparition de la démocratie politique.

Les faits sont troublants

Tout le processus électoral de 2007 (de la révision des listes électorales à la confection du fichier électoral, de l”élaboration à la mise en œuvre des textes réglementaires, du vote à la gestion du contentieux électoral), le peuple a assisté à une barbarie et à un terrorisme intellectuel jamais égalés du pouvoir. Quelques exemples sont illustratifs :

D”abord la mise en place de la Céni. Elle a donné le ton du pouvoir par la violation de tout principe juridique par la Cour suprême, de tout sens du dialogue et de toute volonté d”écouter l”autre. Dès lors, la haine du régime a été étalée au grand jour pour gérer toute la machine électorale.

Ensuite, deux faits très graves ont servi d”armes criminelles pour organiser les élections dans le seul but d”orchestrer la fraude pour imposer la victoire du pouvoir et cela même s”il fallait s”abreuver de sang. Ces faits sont d”une part l”implication de l”armée dans tout le processus électoral avec comme chef d”orchestre des officiers supérieurs de l’armée et d”autre part l”instrumentalisation de la justice (Cour constitutionnelle et Cour suprême) à des fins électoralistes.

Tout le processus a été aussi verrouillé au profit du pouvoir à partir d”un fichier électoral taillé sur mesure. C”est ce qui a permis des votes multiples surtout par des militaires, le détournement et le vol de plusieurs cartes d”électeurs, ce qui a occasionné leur utilisation frauduleuse.

Enfin, le pouvoir a conçu et mis en œuvre la machine de la fraude électorale avec la bénédiction de certains partis politiques. Pour aller plus loin, il a initié de multiples associations de la société civile pour la supervision des élections, ces associations lui fourniront des rapports favorables suite à leur mission de supervision.

Les principaux acteurs de cette démarche malhonnête sont certains cadres du ministère de l”Administration territoriale et des Collectivités locales et certains officiers qui ont piétiné leur serment de soldat. L”Histoire politique du Mali doit retenir comme actes de sabotages criminels, condamnables, l”inféodation de la Cour constitutionnelle au pouvoir et la violation du règlement militaire, de surcroît par des officiers supérieurs (même des généraux). Ce sont là deux institutions (l”armée et la justice) dont la faiblesse peut être fatale pour toute démocratie.

En effet, la justice est le baromètre de la démocratie et celle-ci ne peut se réaliser sans une armée républicaine et respectueuse d”un Etat de droit et des valeurs politiques. Lorsque dans un pays, une institution juridique aussi forte et aussi importante que la Cour constitutionnelle ne respire que par le pouvoir, c”est la porte ouverte à "la jungle". C”est du moins une préoccupation de Diderot et de Jean-Jacques Rousseau qui ont dit tout haut la nécessité de la séparation des pouvoirs pour le respect du jeu démocratique et pour que "le pouvoir arrête le pouvoir".

Aux élections communales de 2004, la Cour suprême a rendu des arrêts qui jurent d”avec le principe élémentaire du droit. A titre d”exemple, dans la Commune de Dandougou-Fakala (cercle de Djenné), après la proclamation des résultats des élections des conseillers, la Cour suprême a annulé l”élection d”une conseillère, élue en tête de la liste RPM qui avait obtenu 6 sur 11 conseillers.

Cependant, les dispositions de la loi sont claires. La validation des listes électorales aux communales est du ressort du juge civil (de la loi qui était en vigueur en 2004). Retenons que pour ce cas précis, une plainte a été déposée auprès du Tribunal de paix à compétence étendue de Djenné qui a validé la liste RPM. La présidente de la section administrative de la Cour suprême, en dépit de la clarté des dispositions de la loi électorale, a annulé non pas la liste mais l”élection de la conseillère qui est en tête de la liste RPM.

Les juges de cette Cour ont eux-mêmes violé "le principe de l”autorité de la chose jugée" pour des raisons autres que celles de la loi. Dans le jugement qui a opposé le RPM à l”Etat dans l”affaire de la Céni, tout a été dit sauf le droit pour faire plaisir au prince du jour. Aux élections de 2007, la Cour constitutionnelle s”est transformée en tribunal inquisitorial au service d”une cour impériale. Ils ont oublié que le Tribunal de l”Histoire est plus impartial. L”attitude des neufs juges est assimilable à un crime contre le peuple car sa volonté est manipulée.

La loi électorale a été violée et les arrêts ont été rendus selon le bon vouloir du prince ou du roi. Cela n”empêche pas au peuple de faire la bonne lecture des choses. Nous avons désormais affaire à une Cour politique et non juridique. L”armée malienne à travers certains officiers proches du monarque s”est transformée en état-major de campagne et la Cour constitutionnelle en bureau de vote central. Les militaires (certains officiers) ont sillonné tout le pays et même l”extérieur avec les moyens du peuple pour l”élection du prince et ses serviteurs.

Au moment venu, le peuple n”hésitera pas à dresser la liste exhaustive de cette fraction zélée de l”armée et ennemie du peuple qui sont des officiers opportunistes, criminels et sans morale. L”instrumentalisation de l”armée et de la justice sont deux dangers très graves qu”il faut combattre avec tous les moyens de bord, aucun sacrifice n”est de trop pour réussir ce combat.

Kaba Diarra

(professeur de philosophie au lycée Ba Aminata Diallo)

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