Par leur adversité, les Etats-Unis d’Amérique et l’ex-Union Soviétique ont dessiné la carte du monde de la fin de la Deuxième Guerre mondiale au début des années 90 qui correspond à des évènements majeurs dont l’effondrement des régimes communistes d’Europe de l’Est, la chute du mur de Berlin et la dislocation de l’URSS. Cette période, la seconde moitié du XXème Siècle, est passée à la postérité sous la douce appellation de Guerre froide, avec la multiplication des guerres par procuration entre deux blocs : l’Est et l’Ouest. Si depuis, de part et d’autre, les hivers se sont réchauffés, il n’en demeure pas moins que des crises épisodiques surviennent et nous rappellent que les relations entre les deux pôles de la puissance mondiale resteront à jamais marquées par l’antagonisme né de la fin de la Seconde Guerre mondiale. Les deux têtes de liste de l’hégémonie mondiale ont beau montrer leurs bonnes dispositions à collaborer pour la paix et la prospérité, il n’en demeure pas moins qu’elles restent des adversaires voire des ennemis irréductibles. De temps en temps, des événements surgissent en guise de piqure de rappel de cette confrontation permanente qui oscille entre les crises graves et des situations qu’on pourrait qualifier d’ubuesque. Je ne voudrais pas faire l’injure aux historiens d’évoquer dans cette modeste chronique la Guerre de Corée, le Viêt-Nam, le débarquement de la Baie des cochons, la Crise des fusées… ou leur corollaire, la course à l’armement nucléaire. Cette évolution en dents de scie des relations USA-Russie connaît, depuis la dernière campagne présidentielle américaine et l’élection du magnat de l’immobilier, Donald Trump, une poussée d’adrénaline qui autorise les protagonistes à bomber leur torse et à brandir toute la batterie de mesures de rétorsion dont l’un et l’autre peut faire usage. A tout moment ! Pour l’instant, américains et russes en sont aux sanctions diplomatiques et commerciales qui font autant de mal, admettons-le, qu’une guerre ouverte en Angola. Nos aînés et quelques-uns de ma génération savent les tenants et les aboutissants de cette guerre par procuration entre l’Est et l’Ouest dans ce pays de l’Afrique australe, meurtri et pillé de façon éhontée. Dans ce registre, les américains viennent de frapper au portefeuille la société russe Kaspersky – dont nous sommes de gros consommateurs au Mali – spécialisée dans les solutions de cybersécurité. La semaine dernière, on apprenait auprès de médias spécialisés qu’Elaine Duke, la secrétaire par intérim de la Sécurité intérieure américaine a « ordonné à tous les fonctionnaires fédéraux de désinstaller d’ici 90 jours tous les logiciels antivirus de Kaspersky présents sur les ordinateurs du gouvernement et des agences fédérales ». Mme Duke se dit « inquiète de possibles liens entre certains cadres de Kaspersky et le renseignement russe, et de la loi russe qui peut obliger Kaspersky à collaborer pour intercepter des communications transitant sur les réseaux russes». Régulièrement accusée par les agences occidentales d’être une supplétive des services secrets du Kremlin, le FSB, la firme Kaspersky voit s’envoler une grosse part du gâteau mondial des logiciels informatiques dont elle tire sa réputation. Selon les années et selon les origines des classements, Kaspersky figure dans le Top 10 mondial des meilleures solutions informatiques. Si le quidam de N’Tentou ne se représente pas ce que cette mesure représente en terme de manque à gagner pour la firme russe, le marché, lui, le sait et l’évalue en milliards de dollars. Pour Kaspersky, il faut espérer que l’onde de choc provoquée par Mme Elaine Duke ne fasse pas des vagues pérennes et au-delà des eaux territoriales américaines. Malheureusement si le scénario catastrophe advient, cela équivaudrait à une perte record de parts de marché qui plomberait gravement le développement de la firme russe. Au propre comme au figuré, de nombreux pays de la sphère d’influence américaine pourraient être amenés à mettre Kaspersky au ban de la communauté informatique mondiale. Une vraie catastrophe ! Mais n’exagérons rien et ramenons notre analyse à l’effet psychologique que peut provoquer un simple effet d’annonce. En entreprise moderne, Kaspersky fera montre de résilience et ne voudra pas se laisser abattre sans réagir. Dans un premier temps, elle affirme qu’elle veillera à apporter des informations complémentaires aux autorités américaines pour «prouver que ces accusations sont totalement infondées». Je la crois sur parole, pas vous ! Dans un second temps, Kaspersky pourrait passer à l’offensive et, au besoin, adopter des comportements agressifs qui pourraient soumettre le parc informatique américain voire mondial à une guerre de tranchée aussi destructive que la Guerre froide. Je touche du bois et ne voudrait pas passer dans l’opinion des lecteurs de cette chronique pour l’oiseau de mauvais augure. Au moins les fournisseurs de matériels informatiques maliens et africains – qui comptent pour du beurre – et les utilisateurs que nous sommes, sont avertis qu’ils pourraient être, eux-aussi, des victimes collatérales d’une guerre qui se joue entre des Grands. Par la magie négative de la globalisation et de la mondialisation, quelques heures seulement suffiraient pour que l’onde de choc d’un krach informatique nous atteigne. Un adage malien bien connu traduit de façon excellemment imagée cette situation : « Quand des pachydermes s’affrontent, l’herbe en pâtit ».
Serge de MERIDIO
“Les Etats-Unis d’Amérique et l’ex-Union Soviétique ont dessiné la carte du monde”.
C’est bien là le problème, ces caucasiens qui décident pour le reste de la planète!
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