Ce premier numéro de l’An de Grâce 2018 signe le retour aux sources de votre chronique qui, un temps, s’est permis de voyager au travers de l’actualité du moment pour ne pas paraître décalé aux yeux de certains lecteurs qui voudraient tout ramener à l’instant. Ceci dit, comment ne pas vous parler d’un livre paru en fin de semaine dernière dont le titre prédestiné, Fire and Fury (Feu et Fureur), ausculte un an de présidence Trump et s’annonce comme le best-seller de l’année en « anglophonie ». Si Trump et son escouade d’avocats ont manifestement échoué à empêcher la sortie du livre de Michael Wolff, ils se feront un malin plaisir de le harceler chaque jour de cette année. C’était une parenthèse ! A présent que les esprits ne sont plus aux fêtes, que le travail redevient roi et l’unique perspective, je m’en vais vous inviter à découvrir une technologie qui, je suis persuadé, fait et fera plus de buzz que le diagnostic de la première année de la présidence Trump à la Maison Blanche. Il s’agit de la blockchain que d’aucuns préfèrent appeler « la technologie de rupture ». Les spécialistes de cette technologie sont unanimes : la blockchain, disent-ils, est très mal connue et tout le monde en parle à tort et à travers. “La blockchain court aujourd’hui le danger de devenir un simple buzzword, brandi comme symbole d’une disruption ultime sans être pourtant véritablement compris par ceux qui en parlent” (La Blockchain décryptée, les clefs d’une révolution). Avez-vous pigé le dixième de ce propos de spécialiste ? J’en doute fort ! Voici une définition que je trouve digeste pour notre gouverne collective : « C’est une technologie de stockage et de transmission d’informations, un protocole de gestion de données numériques. Une grosse base de données ». Ce n’est pas tout. La spécificité majeure de la blockchain réside en trois critères. Primo, son contenu est totalement transparent et tous les échanges (passés et récents) sont accessibles à tous. Secundo, elle n’a pas besoin d’organe de contrôle ni tiers de confiance ; la technologie se fonde sur des échanges de pair-à-pair (P2P). Tierco, la blockchain est infalsifiable et sécurisée. En clair, à la différence des bases de données plus classiques, la blockchain est “distribuée”. Pour affiner davantage l’idée, les paquets d’informations existent simultanément sur différents ordinateurs baptisé “nœuds” du réseau, ce qui garantit que la blockchain soit à l’abri de tout « hacking ». La blockchain est un parfait exemple de traçabilité en cela que « chaque échange effectué entre ses utilisateurs depuis la création même de la blockchain en question y sont inscrits. Ces échanges successifs y sont enregistrés sous forme de “blocs de transactions” qui, mis bout à bout, forme donc une “chaîne”. D’où la notion de chaîne de blocs. Ce n’est pas tout ! La base de données n’est pas centralisée ; elle est distribuée et, à ce titre, doublement sécurisée. D’abord par un système de cryptographie « asymétrique » dans lequel il faut deux clés différentes (une clé privée et une clé publique) pour soumettre une transaction dans la blockchain. Puis, il s’en suit une procédure de validation des échanges sous forme de blocs à travers un mécanisme complexe baptisé « minage ». Les “mineurs”, c’est-à-dire ceux qui ont la responsabilité de ce mécanisme complexe, sont chargés de vérifier la validité des transactions bloc par bloc, sont des particuliers rémunérés pour mettre à disposition la puissance de calcul de leurs processeurs. Dans la blockchain Bitcoin, cette technique s’appelle le “Proof-of-Work” (preuve de travail). “De gigantesques fermes d’ordinateurs ont ainsi vu le jour”, nous explique Clément Jeanneau, co-fondateur de la start-up BlockchainFrance. Car les mineurs se sont regroupés en pool. La technologie blockchain est associée à l’émergence de la monnaie virtuelle, le Bitcoin, pour la simple raison que blockchain est “l’infrastructure virtuelle sur laquelle repose le bitcoin”, ou si vous préférez “le protocole décrivant le fonctionnement du réseau sur lequel cette monnaie circule” (La Blockchain décryptée, les clefs d’une révolution). Toutes les sources concordent pour situer la naissance de la blockchain (et donc du bitcoin) en en 2009 et, pour la petite histoire, la première transaction avec le bitcoin remonte à mai 2010. Elle a été consacrée à l’achat de deux pizzas. Où ? Par qui ? Mystère ! Comme du reste l’inventeur du bitcoin. Personne, à ce jour, n’a pu identifier ce personnage énigmatique. De lui, on ne connait qu’un pseudonyme : Satoshi Nakamo. Un japonais ? Un africain ? Ou un marsien ? La presse spécialisée rapporte qu’en mai dernier, un australien répondant au nom de Craig Wright affirmait à la BBC être le fameux Keyser Söze du bitcoin. Mais sommé de fournir une preuve incontestable, il a renoncé. “Je sais qu’on ne me croira jamais. Je suis désolé”, écrivait-il alors sur son blog. Le mystère reste entier. Cette même presse spécialisée prédit que, dans un proche avenir, la blockchain va devenir une actrice économique majeure qui va faire trembler la vieille économie d’une part, et s’attaquer frontalement à certains modèles de la nouvelles économie comme Uber ou Airbnb. Assez de littérature, à présent, parlons de chiffres. Selon une étude de Goldman Sachs Investment Research, la technologie blockchain, c’est 6 milliards d’euros d’économie par an dans le monde. Et comme dit la vénérable institution, ce n’est là qu’une simple projection limitée aux transactions de titres en espèce. Et qu’adviendra-t-il si cette technologie s’immisçait dans les secteurs de l’économie collaborative, de l’énergie, de l’assurance… Carrément une révolution, annoncent euphoriques les spécialistes. Que peuvent bien tirer les petites nations de cette économie virtuelle ? Beaucoup ! Il y a lieu, tout d’abord, de maîtriser la technologie. Ensuite, il faut se jeter à l’eau avec tout l’attirail du parfait nageur et espérer ne pas se noyer dans la traversée d’une étendue océanique dont nul ne connait les limites avec exactitude.
Serge de MERIDIO
Le problème de la monnaie numérique, c’est que c’est du virtuel
Comments are closed.