Chronique satirique : Les royales colères de Ladji Bourama

Ladji Bourama perd facilement son sang-froid. A moins qu’il ne prenne un réel plaisir à terroriser son entourage, ce qui étonnerait franchement de la part d’un pieux pèlerin de sa catégorie.

Tenez ! Quelques jours après son investiture, notre grand seigneur a remarqué que dans la cour du secrétariat général de la présidence, trois soldats aimaient ronfler à poings fermés sous les arbres au lieu, au lieu d’ouvrir l’œil

.Ni une ni deux: Ladji Bourama quitte un beau matin son palais à pied, les membres de son cabinet sur les talons; il surprend les impénitents dormeurs entre les bras de Morphée et les chasse bruyamment des lieux, promettant de les faire “déshabiller” à bref délai. Il faut reconnaître que là au moins, il a raison de sévir: un apprenti putschiste du nom de Ouattara ne vient-il pas d’attenter au fauteuil présidentiel ? Sans compter la bande à Sanogo et à Yamoussa qui rôde dans les buissons…

Lors de la rentrée solennelle du conseil supérieur de l’agriculture, Ladji Bourama a reçu à Koulouba les leaders du monde paysan, Bakary Togola en tête.

Après le discours du ministre du développement, Bocari Téréta, Bakary Togola prend la parole.

Suite à quoi, le ministre de la Réconciliation nationale, Zahabi ould Sidi Mohammed, demande la parole en disant: “Motion!”. Ladji Bourama, sans doute pressé de se débarrasser de tous ces discoureurs, s’énerve, tape du poing sur la table et gronde: “Qui parle de motion ? Pas de motion ! On respecte le programme ! Vous vous croyez à l’AEEM ou quoi ?”. Zahabi, vers lequel se tournent les regards, se fait alors tout petit dans sa gandoura. La prochaine fois, il lira assurément sa “motion” dans son salon…

Ladji Bourama ne perd pas son temps à respecter les formes quand il désire limoger un ambassadeur.

Ainsi, la veille de son premier séjour en France, il a fait téléphoner à l’ambassadeur malien, Touré, qu’il ne souhaitait pas le rencontrer à Paris. Le malheureux diplomate a dû décamper pendant toute la visite avant de se voir remercier officiellement quelques semaines plus tard.

Même sauce pour l’ambassadeur malien en Guinée Equatoriale, le général Ismael Cissé: lui aussi a dû plier bagages après un appel téléphonique du ministère des Affaires Etrangères l’informant de l’extrême répugnance du président à le retrouver à Malabo.

Le 2 juillet 2014, en visite à Kolongo, dans la région de Ségou, Ladji Bourama s’installe dans les bureaux du directeur de zone de l’Office du Niger, Bamagan Dembélé.

Là, il reçoit tour à tour les administrateurs, les élus locaux et d’autres personnalités. Surprise: une de ses soeurs, résidant dans le cercle, a la mauvaise idée de se glisser   dans la foule des personnalités et, ô crime de lèse-frère!, de prendre la parole. Réplique immédiate et cinglante de Ladji Bourama: “Tais-toi! Si tu as quelque chose à me dire, ce sera en famille, pas ici! D’ailleurs, sors de cette salle !”. Entendant cela, les sentinelles armées poussent vers la porte la bonne dame en sanglots.

Dans la foulée, le chef du protocole oublie de prendre un objet que lui tend Ladji Bourama.

Ce dernier de s’emporter: “Que fais-tu donc, toi ? Tu n’as plus envie de travailler ?”. Puis Ladji Bourama, qui ne porte pas du tout dans son coeur les gens mal habillés, jette un regard noir sur son hôte, le directeur de zone de l’Office du Niger, lequel se croit tout beau dans un boubou blanc quelque peu usé. “Mais tu ressembles à un marchand, toi!”, lance le président au pauvre directeur qui manque de piquer du nez sous la table.

Après ce séjour mémorable à Kolongo, Ladji Bourama préside à Bamako la cérémonie d’hommages aux anciens sportifs maliens.

Soudain, il interroge: “J’espère que la cérémonie est filmée en direct par l’ORTM ?”. Quand on lui répond que non, il pique une colère rouge: “Ne devrait-t-il pas aller de soi que l’ORTM me passe en direct à la télévision ?”. Aussitôt, l’ORTM interrompt son journal télévisé pour faire de la place à l’hôte de Koulouba. Soit dit en passant, l’ORTM nourrit la passion du service public et le public adore Ladji Bourama, n’est-ce pas ?

Bien sûr, Ladji Bourama ne souffre pas que l’on encombre sa vue ni que l’on regarde chez lui.

Les maçons de Sébénicoro en savent quelque chose : ils ont reçu ordre de ne pas construire d’étages aux alentours de la résidence présidentielle afin d’éviter que celle-ci ne soit victime de regards indiscrets. Du coup, les maçons enragent de se voir réduits au chômage.

Ladji Bourama, qui veille sur les habits comme sur les grains de son chapelet, a instruit à chacun de ses ministres de se saper comme un sapin de Noël.

Même le ministre Zahabi, habituellement engoncé dans une gandoura et un turban, s’est mis à l’heure des costumes. Je parie un dollar azawadien contre un franc CFA que le jour où le terroriste Iyad Ag Ghali viendra négocier à Koulouba, il devra porter des souliers de la marque Pierre Cardin et une montre Rolex.

Bien entendu, quand on s’habille bien, il faut parler du bon français et conjuguer de préférence ses phrases au subjonctif. En tout cas, Ladji Bourama ne badine pas sur la question. En plein conseil des ministres, il s’applique à corriger les ministres, nombreux, qui tombent dans le charabia ou se trompent dans la conjugaison des verbes. A ce train, il va falloir bientôt, cette fois avec l’accord écrit du FMI, ouvrir une académie de formation linguistique à l’intention des collaborateurs et des visiteurs potentiels du président malien. Bon! Les “hasidi” de l’opposition crieront à nouveau au gaspillage. Il ne faut surtout pas les écouter ! L’académie restera malienne, même après le règne de Ladji Bourama, non ? De même que l’avion de commandement à 20 milliards !

Tiékorobani

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