Chronique satirique : Ladji Bourama au pays de la galère

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Ibrahim_Boubacar_keita

Contre la misère et la déprime qui gagnent du terrain, quelle récette miracle détient Ladji Bourama ? Question à mille sous !

Les Maliens tirent le diable par la queue; la plupart d’entre eux ont même perdu toute chance de mettre la main sur la fameuse queue. C’est dire ! On ne me croira peut-être pas, mais la cause de la misère générale tient à une seule chose: la lutte engagée par Ladji Bourama contre la corruption et la délinquance financière. Certes, Ladji, en bon pèlerin musulman, de surcroît homonyme d’un prophète, se doit de moraliser la vie publique; mais en attendant qu’il vienne à bout des prédateurs économiques, beaucoup de nos honnêtes compatriotes risquent de crever de faim et de soif.

 

 

En effet, les fonctionnaires, de peur d’atterrir au pôle économique, surtout dans le bureau du juge Karembé, ont pour premier réflexe d’organiser l’évasion de leurs capitaux et d’apparaître, en public, plus pauvres que Job. D’où un sérieux manque à gagner pour les vendeurs de poulets, de fruits, d’habits et de voitures. Ces marchands ambulants, qui constituent le plus gros de la population urbaine, finissent à peine de pleurer leur ruine qu’ils voient leurs étals cassés par la police. Motif ? Ladji Bourama ne souffre pas une seonde les occupations anarchiques de la voie publique ! Et ce n’est pas tout ! Les gros commerçants doivent attendre des mois pour obtenir un marché public ou le paiement de leurs factures car les agents du trésor, des DAF et consorts, craignant une visite inopinée de la police financière, sont devenus plus méfiants que jamais. Même les spéculateurs fonciers, qui font d’ordinaire la pluie et le beau temps, sont devenus misérables depuis la pluie de mandats de dépôt qui s’est abattue sur eux et leurs amis préfets pour disposition du bien d’autrui ou faux. Les militaires, pour leur part, se font tout petits depuis la chute de la junte: à présent, ils n’ont plus rendez-vous qu’avec le juge (affaire “bérets rouges” aidant) ou avec les jihadistes du nord, toutes choses qui n’ont rien de très réjouissant. Le comble, c’est que tout le pays sautait de joie à l’idée qu’avec le retour à l’ordre démocratique, les bailleurs de fonds nous alloueraient 3 milliards d’euros (plus de 2.000 milliards de FCFA). Or, à ce jour, personne n’a vu la couleur des riants billets. De quoi arracher des sanglots de désespoir au plus optimiste des hommes !

 

 

 

Problème: dans sa croisade contre la corruption, Ladji Bourama a oublié que celle-ci constitue, dans notre pays, une sorte de soupape de sécurité. Je m’explique : la corruption seule permet au peuple de survivre. Si, au lieu de payer 1.000 FCFA aux policiers de faction, tous véhicules de transport en commun (“Duruni”, Sotrama et taxis) devaient présenter des documents et un état technique parfaits, ils cesseraient ,tous de rouler. Conséquence: les populations, faute de société publique de transport, se verront contraintes d’arpenter les rues à pied. Et, au bout du compte, de se révolter contre le pouvoir. Par ailleurs, si tous les importateurs devaient payer correcterment les droits de douane et les impôts, les prix sur le marché bondiraient en flèche, y compris pour les denrées de première nécessité, l’eau et l’électricité. Aucun pouvoir ne pourrait maîtriser cette machine infernale. C’est la corruption qui permet, jusqu’à présent, aux uns et aux autres de survivre. Elle est donc devenue une nécessité dans un pays où le salaire minimum ne dépasse pas 25.000 FCFA. Entre nous, sans corruption, comment un fonctionnaire qui gagnerait 500.000 FCFA par mois (ce qui est rare) ferait-il pour se bâtir un toit ? Or je ne connais aucun directeur de service ni aucun fonctionnaire moyen qui ne possède pas une voiture et une jolie maison! Beaucoup ont, en outre, des vergers, ce qui a conduit Ladji Bourama à leur interdire d’y amener les véhicules de service. La morale de l’histoire, c’est qu’on ne peut lutter contre la corruption sans tripler les salaires, ce qui, en l’état actuel de la bourse nationale, relève de l’impossible.

 

 

 

En définitive, dans cette galère nationale, seul Ladji Bourama trouve encore à manger. Il n’a pas trop, hélas !, le sens de la charité et a le mauvais goût d’annoncer à cor et à cri qu’il n’a pas de gâteau à partager avec qui que ce soit. Pourtant, s’il cessait un peu de voyager au Qatar et dans d’autres lieux de plaisance, il y aurait largement de quoi nourrir du beau monde. Surtout les griots et les nomades politiques. L’avez-vous remarqué ? Messieurs les nomades se sont volatilisés dans la nature, fatigués d’attendre que Ladji Bourama daigne songer à leur servir un peu de soupe. Certains d’entre eux ont réussi à devenir députés (ce qui rapporte tout de même 1 million par mois); les autres, privés de perspective, voire de boussole pour flairer les vents porteurs de soupe, vont devoir chercher un  métier moins ingrat que la politique…

 

Question: comment vaincre la misère et la déprime ambiantes ?

Moi, je propose trois solutions. La première consiste à retirer la primature à l’actuel banquier et à la confier à un médecin: un banquier, comme chacun le sait, ne s’intéresse qu’aux chiffres et se fiche pas mal des âmes. Deuxième proposition : rendre plus gai le visage du gouvernement: cette équipe ne contient, en effet, aucune jeune dame dont le sourire ferait oublier, ne serait-ce qu’une minute, aux gens leurs soucis. Troisième proposition:  que Ladji Bourama arrête de menacer, de pointer du doigt à la télé et de promettre au pauvre peuple du sang et des larmes. Si ces propositions ne suffisent pas à atténuer le mal, alors il ne restera plus qu’à mettre le pays sous la tutelle de l’ONU et à confier à Ladji Bourama une chaire de grec et de Coran à l’université de Bamako ! Il y fera sans doute l’honneur et le bonheur des étudiants, inch Allah !

 

Tiékorobani

 

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