Chronique satirique: le festin des députés

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Les théoriciens de la démocratie, Montesquieu en tête, ont pensé que le pouvoir exécutif serait trop puissant s’il n’était pas contrebalancé par deux autres : le législatif et le judiciaire. Voilà pourquoi dans toutes les démocraties, un parlement est chargé de voter les lois et, surtout, de contrôler les actes de l’Exécutif. Vu sous cet angle, le parlement malien boîte de la jambe droite. Certes, il vote les lois, mais pour ce qui est de contrôler l’action gouvernementale, il faudra repasser.

 

Assemblée inactive

 

De 1992 à nos jours, aucune enquête sérieuse n’a été diligentée par les députés, malgré les scandales qui se sont succédé. Les rares enquêtes ouvertes n’ont servi qu’à amuser la galerie : si elles avaient abouti à quelque chose, on l’aurait su car il ne manque pas, sous nos cieux, de griots ni de masseurs de pieds pour en parler. La dernière enquête en date, annoncée au son des trompettes, porte sur les événements dramatiques de mai 2014 qui ont vu le Premier Ministre Moussa Moussa et sa délégation chassés à coups de gourdin de Kidal. Il paraît que des “auditions” ont été effectuées et des “rapports” rédigés. Mais au bout du compte, le brave peuple n’a rien vu ni entendu. Serait-il trop petit pour qu’on lui confie des secrets ? Quant à la fameuse “commission ad hoc” chargée d’étudier les supposés  crimes de l’exilé de Dakar, son rapport s’est, selon toute apparence, égaré dans les placards. Au reste, combien de députés connaissent le vrai sens de la “haute trahison” ? Et si “haute trahison” il y a, quel parti politique n’y a pas trempé ? Les commissions d’enquête ouvertes sur les attentats terroristes à “La Terrasse” ou ailleurs dorment tranquillement sur leurs deux oreilles. Pour ce qui est des interpellations, elles ont lieu juste pour permettre au gouvernement de faire sa propagande: les députés interpellateurs ont à peine trois minutes pour exposer leurs griefs alors que les ministres interpellés ont une éternité pour convaincre. Mais passons…

Or donc, quand on se roule les pouces à longueur de journée, on voit ses pouvoirs exercés par d’autres. Telle est la loi de la nature, qui a horreur du vide. Telle est aussi celle de la République où l’Exécutif accapare toute prérogative vacante. Un exemple illustre mon constat. Selon l’article 71 de la Constitution, “la déclaration de guerre est autorisée par l’Assemblée Nationale réunie spécialement à cet effet”. Pourtant, l’ancien Premier Ministre Mara n’a guère attendu les députés pour annoncer, à son retour de Kidal, que “le Mali est en guerre”. La réaction de notre cher parlement ? Motus et bouche cousue! D’ailleurs, depuis 2011, le Mali patauge dans une guerre meurtrière au point d’appeler ses amis étrangers à la rescousse: avez-vous un seul jour entendu l’Assemblée nationale “autoriser” ou interdire quoi que ce soit?

 

Complaire à l’Exécutif

 

En vérité, les députés se considèrent, sous nos tropiques comme de simples roues de secours de l’Exécutif. Quel que soit le texte soumis ou l’acte commis par le gouvernement, ils l’approuvent des deux pieds et des deux mains. Leur hantise? Que le chef de l’Etat ne se fâche et ne dissolve l’Assemblée car alors, bonjour les dégâts ! Il faudrait, pour obtenir un nouveau mandat de député, reprendre la route des campagnes qu’on n’a plus revues depuis le dernier scrutin, distribuer du thé, du mil et des pagnes Wax. Le tout sans aucune garantie de rentrer dans ses frais après l’élection. La croix et la bannière, quoi! Sans oublier que par les temps séparato-terroristes qui courent, tout candidat qui se présenterait sans armes  à Talataye ou dans d’autres localités de l’Azawad risque de revenir à Bagadadji dans un cercueil, à moins qu’il ne soit parent ou ami d’Iyad Ag Ghali. Et puis, un député ne vit pas de paille sèche: il prend trois copieux repas par jour. Et comme c’est l’Exécutif qui détient la mamite, il ne faut surtout pas le contrarier. Raison pour laquelle le parlement malien est le meilleur au monde en matière de nomadisme, mais un nomadisme à sens unique au profit du…parti au pouvoir. Souvenez-vous que les députés ont voté gaîment toutes sortes de lois, mais jamais celle qui leur interdirait d’errer de parti en parti en quête de festin. J’ai, pour ma part, mesuré tout leur appétit lorsque, suite au putsch du 22 mars 2012, les “élus de la nation” ont voté une loi prorogeant leur propre mandat.S’il n’y a pas là un détournement de pouvoirs et de deniers publics, c’est à désespérer du Code pénal!

 

Coûteux train de vie

 

Je comprends qu’en ces périodes de galère, les députés cherchent à manger du pain au miel; mais je m’interroge sur l’utilité des fonds publics affectés à leur entretien. D’abord, je les trouve bien trop nombreux (147!) juste pour venir applaudir des textes. Pourquoi ne pas ramener l’effectif à 40 députés, à raison de 5 par région ? De toutes les façons, même s’ils atteignaient un millier, aucun d’eux ne rendrait le moindre compte aux électeurs! Il y a même dans le lot des analphabètes qui votent les yeux fermés !

Pis, nos 147 députés coûtent annuellement au contribuable la bagatelle 12 milliards de FCFA en salaires, primes, indemnités et autres gracieusetés.

 

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