Monsieur le Président,
Je joins mes vœux à ceux nombreux que vous avez déjà eus à l’occasion de la fête de Ramadan. Puissions-nous nous renouveler ces vœux au même moment l’an prochain et les autres années. Dans la santé renforcée de ceux qui jouissent, Dieu en soit loué, d’une bonne santé. Et dans la santé retrouvée de ceux à qui manque ce plus grand trésor de la vie. Puisse aussi, le Tout-puissant, comme le disent nos prêcheurs, nous épargner les nuages de la désolation, ceux des dégâts, ceux de la division, ceux du deuil. Puisse t-il davantage veiller cette vieille terre que nous chérissons d’égale passion même si parfois nous divergeons sur les constats, les analyses et les solutions.
Ceci dit, Monsieur le Président, permettez-moi de vous interpeller encore dans cette tribune dont le seul objectif est d’alerter, de proposer le débat et de donner écho aux angoisses de la nation. Alerte, débat et angoisses : tout cela retrouve dans l’accident du lundi dernier déjà longuement décrit par notre confrère « l’Indépendant ». Mamoutou Koné, un bras valide dont l’ambition agricole du pays avait besoin, a été fauché à mort par une voiture de sport roulant à tombeau ouvert sur une avenue qui doit être celle de la prudence, de la vie et de la convivialité : « l’avenue du Mali » au cœur d’ACI 2000. Un fait divers devenu banal chez nous. Les mêmes acteurs : une jakarta, une voiture, un passant.
La même trame : l’imprudence, l’impudence, l’incivisme. Le même dénouement : une vie qui s’en va. Ce n’est pas la première fois, Monsieur le président, que nous vous entretenons du sujet des accidents de la route. Et pour être honnête, nous devons à la vérité de dire que la sécurité routière est un de vos combats les plus assidus depuis neuf ans. Vous avez parlé, instruit, surveillé. Vous ne pouvez pas descendre vous-même à chaque coin de rue régler la circulation. Ce n’est pas à vous d’être là pour calmer la fougue des motocyclistes fous.
Ce n’est pas à vous, nous le concédons, de venir physiquement dissuader les assassins bourrés d’amphétamines au volant des véhicules de transport en commun. Ce n’est pas à vous de donner la chasse aux fils à papa sans permis qui s’enivrent le weekend dans les discos avant de semer la mort sur le chemin du retour. Ce n’est pas à vous de venir siffler les convois de mariage qui ne se gênent plus d’envoyer d’autres dans le corbillard.
Mais, nous sommes quatorze millions de Maliens et vous êtes le berger du jour. Il est donc normal que nous vous imputions nos grains de beauté comme nos verrues. Et nous disons, vous l’avez même répété cette année, que malgré la tendance baissière des statistiques, les Maliens meurent encore trop sur les routes. Or ce n’est pas une fatalité. S’assurer que les bus long trajet utilisent deux chauffeurs est non seulement possible mais indispensable.
S’assurer que les propriétaires de ces véhicules sont envoyés en prison à cause de pneumatiques usées est non seulement possible mais indispensable. S’assurer que le maximum d’usagers qui transgressent les lois de la circulation sont envoyés chez le juge et voient leurs engins confisqués est non seulement possible mais indispensable. S’assurer que les chauffeurs fous, comme celui de l’Avenue du Mali, ne peut pas s’en tirer comme ça simplement à cause du statut de papa-maman est non seulement possible mais indispensable. Ce ne sont pas hélas les caravanes qui répondent à la problématique de l’incivisme.
Celui-ci résultant, chez nous, moins de l’ignorance que de nos faillites en tant que familles, en tant que passeurs. La politique du minimum d’accidents n’est pas un cadeau. C’est la condition du Mali de demain. La plus grande rébellion n’a jamais été celle de Bahanga, mais celle de cette jeunesse urbaine qui ne répond plus de rien et plus à rien. Encore une fois parce que la famille au lieu de rester le moule qu’elle était est devenue une passoire. Monsieur le Président, pour consolider ce qui est entrepris et pour aller plus avant, je voudrais vous soumettre l’idée du semestre de la route. Un semestre pour la vie. Un semestre pour évaluer où nous en sommes et ce que nous devons faire de plus.
Sauf votre respect, Monsieur le Président, et à bientôt
Adam Thiam