C’est encore Kôrô Blo qui s’est érigé en donneur de leçon pour toute la clientèle du « Tiapalodromme » l’autre soir. Il disait en espèce que tout buveur qui ne serrait pas capable de gérer sa gueule de bois n’est pas digne de faire groupe avec eux. Sa chance a été seulement qu’il a goûté à la chose avant le reste du clan, sinon j’allais lui rappeler que certains faits sont tellement têtus dans ce pays qu’on reste toujours grisé sous une méchante gueule de bois. Imaginez comment on a réussi à rendre moins festive la date anniversaire de l’accession de notre pays à l’indépendance. Le défilé militaire et civile qui était son plat de résistance a été déplacé du boulevard de l’indépendance à, entre autres l’avenue du Mali, stade Modibo Kéita pour enfin être renvoyé dans les camps. Cela faisant, le boulevard de l’indépendance est devenu l’endroit de Bamako qui porte particulièrement mal son nom de nos jours.
Oui, l’emblématique boulevard de l’indépendance de Bamako, cet endroit qu’on prenait d’assaut depuis l’aube à chaque 22 septembre, tout simplement pour ne pas se faire raconter certaines scènes du défilé commémoratif de la fête de l’indépendance. Qu’il pleut ou qu’il ensoleille, on se débrouillait toujours à être le premier sur les lieux pour placer respectivement les chaises des membres de sa famille, de manière que leur ombre soit la seule chose qui puisse les séparer des pas cadencés des militaires.
La cérémonie était toujours, tellement bien concoctée que chacun y tirait joyeusement son compte. Les vieilles personnes étaient fascinées par le passage des chasseurs, lesquels étalaient sur tout le long du parcours leur savoir faire mystique. Et à chaque « 22 », ils épataient l’assistance par de nouveaux espèces d’animaux sauvages capturés sur le territoire national. Notamment les lions de « Waraba Thiatio ».
Nous, les jeunes attendaient toujours avec impatience le passage des bérets rouges, nos commandos parachutistes qui ravirent toujours la vedette aux autres corps. Ils maintenaient de bout en bout la même cadence des pas marshals. Ils ne prêtaient point d’œil aux grandes ovations et cris des spectateurs qui saluaient leur passage. Comme celui des Légionnaires sur l’Elysée, le défilé de nos commandos était une apothéose, au vrai sens du terme.
Et la musique de la fanfare résonnait dans les oreilles comme un appel solennel au patriotisme, même si, elle était entrecoupée par des gros bruits des avions MK, connus sous l’appellation de « Mikini ».
C’est surtout le défilé motorisé qui nous permettait d’affirmer que notre pays le Mali peut vaincre sur tous les fronts.
Même sans les lumières chinoises de nos jours, le boulevard de l’indépendance brillait de mille feux, surtout qu’il était aussi le théâtre de la retraite du flambeau et du « bal poussière ». Comme par divination, le tout Bamako se retrouvait sur cette artère, devenue au fil des années l’espace sacré de la grande fête populaire de l’indépendance.
Hélas, de nos jours, chacun profite du jour férié et payé pour se pinter en Whiski, en bière et en Nioglo, en clando la plus totale. Après, on dit avoir été fier de la fête de l’indépendance.
Le « 22 » est toujours maintenu au 22 Septembre ?
Moustapha Diawara