Chronique d’une faillite programmée au Mali

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La France a une part de responsabilité directe dans l’effondrement de l’Etat malien. Elle a soutenu dès les années 1980 des programmes d’ajustement structurel d’inspiration néolibérale qui ont détruit l’école et la santé publiques et ont ainsi ouvert une voie royale aux institutions islamiques de substitution.

Elle a endossé la libéralisation de la filière coton voulue par la Banque mondiale, qui a accéléré l’exode rural et l’émigration, tout en bloquant cette dernière, alors même que les remises des expatriés sont plus élevées que l’aide publique au développement.

AQMI, ÉRIGÉ EN ENNEMI PRINCIPAL DE LA FRANCE

De toute manière, Nicolas Sarkozy a de facto coupé celle-ci. Il a également contribué à l’affaiblissement de l’autorité du président Amadou Toumani Touré en exigeant de lui la signature d’un accord de réadmission des migrants clandestins, politiquement inacceptable aux yeux de son opinion publique, et en guerroyant sur le territoire malien de pair avec l’armée mauritanienne à partir de 2010, sans même toujours l’en avertir.

Cette militarisation de la question du nord du Mali a conféré à Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI), érigé en ennemi principal de la France à l’extrémité d’un “arc de crise” supposé s’étendre du Pakistan à la Mauritanie, des lettres de noblesse anti-impérialistes qui ont facilité son recrutement de combattants. Elle a aussi gonflé le flot des déplacés et des réfugiés en aggravant la pauvreté des populations sahariennes.

MAUVAISE POLITIQUE-FICTION ?

Le coup de grâce est venu en 2011 : la guerre de Libye a conduit les Touareg maliens enrôlés dans les rangs du colonel Kadhafi à rentrer au pays avec plus d’armes que de bagages. On connaît la suite : la proclamation de l’indépendance de l’Azawad une fois que fut consommée la déroute de l’armée malienne – supposée être un fleuron de la coopération militaire française, soit dit en passant – et l’OPA hostile des djihadistes sur le nord du Mali.

En outre, la guerre de Libye a désorganisé les intérêts économiques des réseaux d’affaires du colonel Kadhafi dont les investissements conséquents contribuaient à la stabilisation du Sahel.

Enfin, la prohibition des narcotiques et l’endiguement coercitif de l’émigration que mettent en oeuvre les autorités françaises en dépit de l’inanité de ces politiques publiques procurent aux trafiquants deux formidables rentes de situation et risquent fort d’avoir les mêmes effets au Sahel qu’en Amérique centrale : le déchaînement d’une violence paramilitaire à laquelle seront parties prenantes les grandes organisations criminelles latino-américaines, italiennes et espagnoles, de pair avec différents mouvements armés locaux.

Mauvaise politique-fiction ? Le scénario se déroule déjà sous nos yeux avec la criminalisation de la Guinée-Bissau, l’implication croissante des autres Etats de la région dans ces trafics et le financement que le Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (Mujao) en tire au Mali.

La France, les pays occidentaux se sont trompés sur le Sahel depuis trente ans et récoltent ce qu’ils ont semé.

Jean-François Bayart, directeur de recherche au CNRS

LE MONDE | 22.01.2013 à 16h02

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1 commentaire

  1. C’est bien beau tout ce que nous raconte M. Bayart. Mais j’aimerais plutôt qu’il nous dise ce qu’il faut faire.

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