Chronique du web : Theresa May et L’improbable BREXIT

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Les Anglais adorent jouer ; ce sont même des joueurs dans l’âme. Ils ont inventé le football qui est, à ce jour, le sport collectif le plus populaire au monde. Les Anglais ont le sens du jeu : aller de l’avant et, forcément, toujours gagner. D’où le fameux « kick and rush » qui a eu ses heures de gloire dans la communauté des coaches et des joueurs, et le non moins proverbial « fighting spirit » qui fait se battre une équipe du début à la fin d’un match, avec la même envie de gagner, la même intensité, le même esprit de sacrifice. Et ce n’est pas le fait du hasard si la Premier League anglaise est l’un des championnats les plus  prisés sur la planète football.  Ce pays qui a inscrit son nom au palmarès de la Coupe du monde (1966), a donné au football de nombreuses légendes vivantes comme, entre autres, l’énorme portier Gordon Banks, considéré avec le russe Lev Yashin comme l’un des plus grands de l’histoire du ballon rond, et l’intrépide milieu de terrain Bobby Charlton, coéquipiers dans l’équipe victorieuse de 1966. Cette année-là, Bobby Charlton remportera même le Ballon d’or du meilleur footballeur européen. On ne fera pas injure à la jeune génération anglaise qui a, elle-aussi, produit des footballeurs de génie comme David Beckham, Michael Owen, Frank Lampard et autres Steven Gerrard et Wayne Rooney. Une belle cuvée !

Mais quid de la classe politique britannique ? Peut-on parler d’elle au superlatif ? A vrai dire, on ne peut pas se risquer à affirmer que les héritiers de l’énigmatique et roublard Sir Winston Churchill ont bien capitalisé les leçons de l’histoire d’autant plus qu’en organisant le référendum du 23 juin 2016 sur la sortie du Royaume Uni de l’Union Européenne (British Exit ou Brexit), ils n’avaient pas suffisamment cerné les contours de la grave aventure dans laquelle ils engageaient leur pays. David Cameron, le Premier ministre de l’époque par qui le malheur arriva, croyait brandir le Brexit comme un épouvantail non seulement pour plébisciter sa politique en s’octroyant aisément un second mandat, mais surtout pour s’offrir le scalp de son opposition qu’il voulait affaiblir durablement. Malheureusement pour lui, il s’est pris le pied dans le tapis. Comme dirait l’autre, tel fut pris croyait prendre !

Nommée en juillet 2016 après la démission de David Cameron et reconduite en juin 2017,  Theresa May hérita de la patate chaude du mélodrame du Brexit. Depuis, elle court, elle court … à la vitesse de sa compatriote, la sprinteuse Dina Asher-Smith, auréolée de plusieurs titres nationaux, européens et olympiques aux 100m, 200m, relais 4X100m, etc. Il y a de quoi mettre les gaz et, d’ailleurs, Mme May n’a d’autre alternative que de courir car le 29 mars 2019, soit deux ans jour pour jour après le déclenchement de l’article 50 du traité sur l’Union européenne le 29 mars 2017, le Royaume-Uni et les 27 autres pays membres de l’Union européenne doivent « divorcer ». La Première ministre qui a avalé un tas de couleuvres et subi moult revers politiques (y compris de la part de ses propres partisans) œuvre de toutes ses forces pour éloigner le spectre d’un « Hard Brexit », c’est à dire un Brexit dur ou sauvage, un Brexit sans accord… bref, le « no-deal » qui conduirait à un chaos redouté à la fois par les britanniques et leurs anciens partenaires.

Malheureusement, plus la date fatidique du 29 mars 2019 approche, plus la liste des camouflets infligés à Mme May s’allonge. C’est ainsi que l’accord de sortie de l’Union est massivement rejeté par la Chambre des communes le 15 janvier 2019. Deux semaines plus tard, soit le 29 janvier, comme dans une dynamique de harcèlement de Mme May, les députés britanniques adoptent deux amendements par lesquels ils rejettent aussi bien le principe d’une sortie sans accord que celui d’un accord comprenant le « backstop » ou filet de sécurité. Encore un autre néologisme qui traite de la délicate question de la frontière entre la République d’Irlande et la province britannique d’Irlande du Nord, longue de 500km. Pour Londres comme pour l’UE, il ne saurait être question de rétablir des contrôles douaniers à cette frontière car ce serait un recul terrible qui minerait les accords de paix du Vendredi saint, lesquels mirent fin, en 1998, à trente ans de conflit armé entre nationalistes et unionistes en Irlande du Nord. Pour se faire une petite idée, ce sont, au bas mot, quelque 31 % des exportations nord-irlandaises qui transitent par cette frontière, sans compter que, quotidiennement, 30 000 personnes la traversent. Tout en laissant entrevoir une mince ouverture sur la question du backstop, le frenchie Michel Barnier, négociateur en chef de l’UE, se montre intraitable et renvoie Mme May à ses propres turpitudes.

Aussi, les futurs divorcés mettent-ils les bouchées doubles pour parvenir à un accord à minima afin de sauver les meubles. Dans cette perspective, Mme May était encore à Bruxelles le jeudi dernier pour un ultime round de négociation. Même si les Européens lui déroulent toujours le « redcarpet », Theresa May ne bénéficie plus que du sourire de circonstance de ses interlocuteurs qui s’interdisent de rouvrir les négociations. La pauvre ne sait plus où donner de la tête ; elle connait tant et si bien les coins et les recoins de Bruxelles qu’elle pourrait y faire office de guide touriste. Mais dans la capitale de l’Europe, Theresa May à mieux à faire et n’a pas du tout  le cœur à la farniente. En effet, la première ministre britannique vient y livrer le match de sa carrière, espérant y décrocher un résultat à la hauteur de la réputation des insulaires d’une part, et relancer sa carrière politique qui emprunterait le sillon laissé par les Winston Churchill, Margaret Thatcher, John Major… d’autre part. On peut compter sur sa bonne étoile et surtout sur le génie de ses compatriotes pour montrer à l’Europe et au reste du monde que les insulaires sont de  bons joueurs et que, au plus fort de la tempête, ils savent conserver ce flegme british qui fait leur charme.

Serge de MERIDIO

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