L’actualité, par nature, est cynique. Elle adore le drame ; elle est avide de sang ; elle est férue de catastrophe et de tragédie ; elle carbure aux larmes, à la douleur, à la désolation et au drame. Plus la sortie de route est spectaculaire et terrifiante ; plus le bilan humain est hors du commun, plus la couverture de l’actualité s’emballe. Malheureusement, lorsqu’un sujet réunit quelques-unes de ces caractéristiques, il focalise l’attention des médias du monde entier et il devient « rentable », comme une vulgaire marchandise exposée sur un étal d’un marché aux puces.
Depuis plusieurs semaines maintenant, les incendies dans la forêt amazonienne accaparent l’attention des médias, des scientifiques, des politiques, des industriels, des ONG et des citoyens du monde entier. Car, il faut le savoir, l’Amazonie est un sous-continent qui « … s’étend sur une surface de 7,4 millions de km2 et occupe près de 40% de la superficie de l’Amérique du Sud. Cette immense forêt est située pour 60% de sa surface au Brésil, mais est aussi présente dans huit autres pays : la Bolivie, le Pérou, la Colombie, le Venezuela, l’Equateur, le Guyana, le Suriname et la Guyane française ».
Selon les scientifiques, l’Amazonie joue les fonctions de « poumon de la Terre ». En effet, expliquent-ils, « … Ce poumon vert de la planète, qui bénéficie d’une pluviométrie assez abondante, a un rôle important dans la stabilisation du climat mondial, du fait de sa fonction de puits de carbone. L’Amazonie stocke en effet entre 80 et 120 milliards de tonnes de carbone. Avec les incendies, les forêts génèrent le phénomène inverse : au lieu d’absorber le carbone, elles en émettent de manière spectaculaire, polluent la planète et perdent avec les arbres brûlés leur capacité future de stockage ».
Au-delà de leur dimension « sensationnel » et « tragédie », les incendies qui ravagent l’Amazonie depuis le début de l’année sont une véritable préoccupation puisque, rien que sur les six premiers mois de l’année, ils ont ravagé près de 4 700 km² de forêt amazonienne, selon les statistiques du très sérieux Institut national de recherche spatiale (INPE) du Brésil. L’INPE estime que pour le seul mois de juillet, 2 255 km² sont partis en fumée et que, malheureusement, le pire est à craindre au regard de près de 2 500 nouveaux départs d’incendies comptabilisés en Amazonie en seulement deux jours la semaine dernière.
L’une des conséquences directes de ces incendies est qu’ils menacent l’existence des 690 territoires occupés par des tribus reconnus par le gouvernement brésilien dont 98,5% se trouvent en Amazonie. La tribu des Muras semble la plus exposée, son territoire étant déjà considérablement réduit à cause de la déforestation.
Les présents incendies provoquent l’émoi collectif et des manifestations géantes s’organisent partout dans le monde pour sauver l’Amazonie en proie aux incendies d’une part, et pour dénoncer la politique du climato-sceptique et non moins président d’extrême droite du BrésiJairBolsonaro d’autre part. En fin de semaine dernière, des centaines de milliers de citoyens ont battu le pavé dans de nombreuses métropoles : Londres, Barcelone, Genève, Dublin, Bruxelles, Sao Paulo, Rio…
Pour leur part, Crisitiano Ronaldo, Madonna et de nombreuses autres célébrités ont, eux aussi, interpellé le président brésilien sur les réseaux sociaux. Quant à Greta Thunberg, la petite suédoise qui n’a de cesse de mobiliser la jeunesse sur la problématique du réchauffement climatique, elle a également appelé à manifester devant les ambassades et consulats du Brésil à travers le monde. Enfin, une pétition lancée sur le web pour « stopper l’incendie » a récolté plus de 2 millions de signatures jeudi 22 août, un jour seulement après son lancement sur la plateforme Change.org. Cette pétition est une initiative citoyenne adressée au gouvernement brésilien par l’avocat Gabriel Santos, habitant de Rio Branco, une ville située au cœur de l’Amazonie.
Au grand mécontentement de JairBolsonaro, le dossier amazonien s’est invité au sommet du G7 tenu le weekend dernier à Biarritz, au sud-ouest de la France. Le président brésilien qui est un très proche du lobby de l’agrobusiness n’a pas manqué de dénoncer ces « interférences étrangères », s’en prenant particulièrement au président français Emmanuel Macron qu’il a accusé jeudi 22 août d’avoir une « mentalité colonialiste ».
Droit dans ses bottes, JairBolsonaro allume des contre-feux qui, s’ils n’adressaient pas une question d’une aussi grave acuité, auraient prêté à l’hilarité par l’absurdité de leur argumentaire. Sur Twitter, il n’est pas du tout tendre avec le président Macron qui « instrumentalise une question intérieure au Brésil et aux autres pays amazoniensavec un ton sensationnaliste qui ne contribue en rien à régler le problème » selon ses propos. Sans se démonter, il enchaine : « Le gouvernement brésilien reste ouvert au dialogue, sur la base de faits objectifs et du respect mutuel (…) La suggestion du président français selon laquelle les affaires amazoniennes soient discutées au sommet du G7 sans la participation de la région évoque une mentalité colonialiste dépassée au XXIe siècle ».
Autres cibles privilégiées de M. Bolsonaro, les ONG ; en effet, s’exprimant face à des médias brésiliens, il a déclaré que les incendies « pourraient provenir d’actions criminelles des ONGéistes pour attirer l’attention contre sa personne, contre le gouvernement brésilien. Mais je ne l’affirme pas ». Il taille aussi une veste aux pyromanes qui s’amuseraient à brûler l’Amazonie, mais sans jamais apporter la moindre preuve.
Usant et abusant du registre du complot, JairBolsonaro met dans le même sac défenseurs de l’environnement, scientifiques, ONG et tribus dont le seul dessein serait de le discréditer et de plomber l’économie brésilienne.
Plus le président brésilien pousse des cris d’orfraie, plus les dirigeants du monde se mobilisent et multiplient les déclarations alarmistes. Pendant ce temps, les incendies ne connaissent aucun répit et la plus grave catastrophe environnementale du siècle se profile à l’horizon. Au-delà des discours, l’Amazonie a besoin d’actions urgentes pour échapper aux feux favorisés par la sécheresse.
Serge de MERIDIO