Malgré les mauvaises nouvelles qui obscurcissent déjà l’horizon au Mali et dans le monde, et en dépit des faisceaux d’indices qui peuvent conduire à un pessimisme démesuré, 2019 a toutes les raisons d’être un millésime hors du commun. Certes, en ces premiers jours, notre moral est en berne et il y a de quoi. En effet, plus que de nécessaire, la mort s’est invitée aux festivités, leur donnant un avant et un arrière-goût particulièrement amers. Mais avant d’ouvrir cette effroyable page nécrologique, il y a lieu de s’inquiéter de la disparition d’un jeune confrère, Issiaka Tamboura, Directeur de publication de l’hebdomadaire Soft, le jeudi 27 décembre dernier entre les localités de Boni et de Nokara, dans la Région de Mopti. Quelles que soient la nature de son rapt et l’identité de ses ravisseurs, c’est un acte grave et préoccupant qui interpelle l’Etat, la profession et le citoyen.
Venons-en, à présent, aux décès qui ont assombri la période des fêtes de fin d’année et les premiers jours du nouvel an :
28 décembre 2018 : le Général de Brigade Pangassy Sangaré, quitte définitivement les commandes de son blindé à 71 ans.
28 décembre 2018 : le Dr. Seydou Badian Kouyaté, médecin, homme politique et homme de culture qu’on ne présente plus, tire sa révérence à 90 ans.
1er janvier 2019 : 37 habitants du village peul de Koulogon (Cercle de Bankass) sont massacrés par des présumés chasseurs traditionnels, les dozos. Le président de la République, en personne, s’est rendu sur les lieux ce 4 janvier pour apporter du réconfort aux populations meurtries.
02 janvier 2019 : c’est un jeune journaliste talentueux, Issa Doumbia, affectueusement appelé « Sacré » par ses confrères, qui rend prématurément sa dernière copie à sa rédaction.
Cette énumération est volontairement limitative et passe sous silence de nombreux autres décès moins médiatisés.
Les mauvaises nouvelles, c’est la récurrence de l’insécurité et du grand banditisme ; c’est aussi le volcan du front social qui menace de rentrer en éruption. En effet, l’UNTM, la centrale syndicale historique, vient de sonner le tocsin sous la forme d’un débrayage de 72 heures les 9, 10 et 11 janvier. Il faut espérer qu’à l’avenir, elle gardera le pied sur la pédale de frein et qu’en face, les interlocuteurs sauront faire montre de plus de persuasion et de pédagogie .
Au plan international, des évènements survenus dernièrement n’incitent pas non plus à un optimisme béat. Il s’agit en l’occurrence du shutdown (paralysie de 25% des administrations fédérales depuis le 22 décembre 2018) aggravé par les pitreries du président américain, Donald Trump, qui a maille à partir avec une chambre des représentants aux mains des démocrates auréolés d’une courte victoire électorale aux midterms. Ils s’opposent fortement à la promesse presque obsessionnelle de Trump d’ériger un mur à la frontière Sud des Etats Unis pour un coût de 5 milliards de dollars. Pour Nancy Pelosi, la nouvelle “speaker” de la Chambre, « Construire un mur (à la frontière avec le Mexique) est immoral, ce n’est pas ce que nous sommes en tant que pays ».
Le cas Trump s’aggrave d’un accès de mythomanie qui fait écrire au Washington Post qu’il est le président le plus menteur de l’histoire des Etats-Unis. En effet, les journalistes du Washington Post ont calculé que Donald Trump est arrivé à proférer une moyenne de 15 mensonges par jour en 2018 ! Et si l’on prend comme bas de départ de ces mensonges, la date du 1er janvier 2017, on arrive à un total de 7.600 contre-vérités. Triste record dont un chef d’Etat pourrait bien se passer !
Les mauvaises nouvelles, c’est aussi l’arrivée de Jaïr Bolsonaro au pouvoir au brésil le 1er janvier dernier. L’avènement de ce nationaliste et suprématiste blanc, ancien capitaine de l’armée et nostalgique de la dictature militaire des années 70, est une aubaine pour les droites européenne, américaine et israélienne qui « s’internationalisent ».
Il y a aussi la sempiternelle crise migratoire. Pour 114.941 personnes qui ont réussi à traverser la Méditerranée, plus 2000 personnes y ont laissé la vie en 2018. Si le chiffre actuel de migrants est en recul par rapport au pic de 2015 – plus d’un million de candidats -, les décès par contre ont peu baissé, transformant la Méditerranée en une mer avide de vies africaines.
Enfin, la structure de l’économie mondiale ; elle se renforce en pénalisant les pays pauvres qui s’appauvrissent davantage et en permettant à quelques multinationales et aux fleurons de la nouvelle économie d’accumuler plus de 90% de la richesse mondiale.
Mais ce tableau sombre expurgé volontairement des guerres ne devrait pas nous précipiter dans les bras du pessimisme. En effet, le Mali a une jeunesse formidable qui rêve de se réaliser et de s’ancrer de façon robuste à la marche du monde. Peut-être saura-t-elle obliger la classe politique actuelle à lui céder le « fauteuil » pour solder les comptes qui tirent le pays vers le bas. Ce faisant, elle serait le levain du sursaut national que tous les maliens appellent de leurs vœux.
Sur le continent, notamment dans la Corne de l’Afrique, l’Ethiopie et l’Erythrée font la paix et ouvrent une ère de prospérité pour leurs peuples respectifs. En Afrique Centrale, la RDC réussit un tour de force d’organiser une élection présidentielle sans soutien financier et observateurs européens. Il faut gager que ce processus annoncé pour chaotique ne parte pas en vrille après l’annonce des résultats du scrutin qui donne, un peu à la surprise, Félix Tshisekedi comme gagnant. Malgré ce qu’on peut considérer comme ingérences inadmissibles de certaines grandes puissances dans ce jeu politique extrêmement délicat, les leaders congolais devraient plus penser à l’avenir de leur pays qu’à leurs chapelles étriquées.
Le retour des russes sur le continent, même anecdotique en RCA, et la présence chinoise sont des signes d’espoir qui doivent inciter les dirigeants africains à diversifier leurs partenariats. Il faut entrainer la Turquie dans le mouvement pour tenter de casser les hégémonies traditionnelles qui n’ont apporté que souffrance à l’Afrique.
Sans aucune volonté de souffler sur les braises, il faut espérer aussi que la crise des « Gilets jaunes » épuise longuement la France et, à l’instar de la Deuxième Guerre Mondiale, se transforme en chant du cygne pour la « Françafrique ».
Et si l’inoxydable premier ministre Benyamin Netanyahou perdait les élections anticipées prévues en Israël le 9 avril prochain ? Ce serait la cerise sur le gâteau et les auspices n’en seraient que meilleurs pour 2019.
Malgré tout, il y a des raisons d’espérer que 2019 sera un bon cru. Bonne et heureuse année aux lecteurs d’InfoSept !
Serge de MERIDIO