Chronique du Vendredi : Y a-t-il quelque chose de bien dans ce pays ?

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L’anecdote est authentique et, en son temps, la télé nationale en avait montré une partie : en juin, lors des journées de l’IDA qui se passaient chez nous et pour la première fois dans un pays francophone, C’est Me Abdoulaye Wade qui, subjugué par le satisfecit de nos partenaires sur gouvernance financière et économique interpellait ATT en ces termes : « Amadou doit me payer mon cachet de communication pour son pays ».

 La salle a éclaté de rire mais la lacune déplorée est une de nos cruelles réalités. Elle n’est pas récente, disons-le : la décennie Konaré a aussi eu sa part de silences qui, convertie en actions de com aurait au moins permis de mettre au grand jour les facteurs et les acteurs bloquant l’école malienne alors que celle-ci jouissait d’investissements sans précédent. Mais les périodes diffèrent : Konaré a eu une sourde opposition du 8 juin 1992 où il s’installait au 8 juin 2002 où il partait. C’était une opposition intérieure et aussi extérieure en raison des prises de positions de l’historien vocal et allergique au putsch.

Rien de tel pour son successeur. Pourtant le déficit de communication, à ne pas confondre avec la propagande, est criard alors que les silences actuels ne relèvent pas d’une stratégie de discrétion, le moindre événement étant télévisé et diffusé au point de saturation. Il est donc curieux qu’on lésine sur les aspects pour lesquels notre pays fait du bon ou a besoin de desserrer l’étau malveillant des autres.

A la fois parce que nous sommes tous logés à la même enseigne. Ensuite pour mieux ouvrir l’histoire à un président sur le départ. Enfin, parce que le Mali doit continuer après lui. A cet égard, un front important reste l’image internationale du pays que nous laissons confondre avec Aqmi et narcotrafic. A titre d’exemple, l’affaire Camatte a été traitée par 128 médias internationaux en même temps, et le raid franco-mauritanien par 166 médias six heures après. Pire, dans la quasi-totalité de ces articles, nous sommes gratifiés de la chute dévalorisante que les Salafistes ont quitté l’Algérie ou la Mauritanie pour le Sud malien, ou que le trafic de drogue est une activité protégée par nos autorités. Et nous ne disons rien là-dessus. Alors que les salafistes se déplacent dans toute la bande sahélo-saharienne et que Droudkel leur chef vit en Algérie.

Ensuite, les rapports de services étrangers indiquent qu’il y a plus d’activités liées au narcotrafic dans l’espace sahélo-saharien que chez nous. Cela ne justifie pas, bien sûr, que nos compatriotes à nous soient dans ce business, mais c’est la preuve qu’il n’y a pas de monopole ou de péril spécifiquement maliens sur cette question. Or là aussi, silence radio. 

Sauf de la part de la seule personne qui ne doit pas être entendue là-dessus mais plutôt vue en train d’agir : le président de la République. Ailleurs, ce ne sont même pas les ministres qui communiquent sur ces aspects mais des services de l’administration, des porte-paroles qualifiés, ou des structures ad hoc.

Attention pourtant : ce pouvoir a besoin de susciter une autre ambiance, d’autres regards. Et là, il n’est pas près du but : même le cinquantenaire ne suffit pas, encore que les Maliens doivent encore se l’approprier pour que ce soit une fête citoyenne et non une aventure d’Etat, voire d’un Etat plus clientéliste que méritocrate. Le vrai moteur du progrès des nations, rappelons-le, c’est d’avoir un cap et le chemin le plus sûr pour y arriver.

C’est-à-dire donc un «goal objective » et ce qui y mène : le «process» comme le disent les Anglo-saxons. A cet exercice auquel nous devons les Dragons asiatiques – ils n’ont donc pas accompli de miracle mais tout simplement mis en œuvre une feuille de route- notre pays est loin d’être bon. Et cela tient à plusieurs travers : compétences intrinsèques à vérifier, ego surdimensionnés, vaines susceptibilités, phénomène de cour, chefs à la fois arbitres et joueurs. Bref tout ce qui concourt à la construction des Etats parallèles.

Adam Thiam


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