Dioncounda Traoré est certes le seul candidat, pour l’instant, investi par son parti dans la perspective de la présidentielle 2012. Mais Soumaila Cissé, rentrant au pays après deux mandats à la tête de l’Uemoa sera, lui aussi, désigné ce weekend par l’Urd. Le Rpm avait remis à plus tard la désignation de son candidat à l’échéance de tous les enjeux et de tous les périls. Sauf séisme, il se choisira Ibrahim Boubacar Kéita dans les mois qui suivent. Lui-même avait annoncé les couleurs voici deux ans, – on le disait grabataire et il a tenu à ne pas être enterré trop tôt -. Et puis, Modibo Sidibé a demandé à prendre sa retraite de la police. C’est ce que les textes demandent quand le candidat appartient à un corps jouissant de statuts particuliers. Cette démarche vaut acte de candidature. Et si lui est candidat, il ne peut pas ne pas être investi par la galaxie de mouvements de soutien constitués dans le seul but de l’adouber et d’en faire, comme Att en 2002, le jockey trans-parti d’un scrutin d’alternance. Le carré d’as très tôt anticipé par Jeune Afrique sera donc bientôt une réalité.
Et dans les conditions normales, le troisième président de la troisième République viendra de ce carré. Tant pour l’opinion publique que pour les analystes y compris les plus prudents. Pourquoi ? Même s’il se présente à la présidentielle pour la première fois, Dioncounda Traoré fort de la légitimité du combat clandestin et des séquelles des prisons de la dictature est à la tête du parti le plus implanté et de loin. « L’Adema sait gagner les élections » a-t-on coutume de voir et d’entendre. Soumaila Cissé tracté par le deuxième grand parti du pays est un professionnel à la compétence reconnue et au carnet d’adresses qui en laisserait plus d’un rêveur. Et n’oublions pas, il a été finaliste en 2002 avec 37% des voix, même si elles étaient celles de son parti d’alors, l’Adema. Ibrahim Boubacar Keita plaît assurément. De plus, perçu comme homme à poigne, il aura tout eu, les décrets les plus désirés comme les mandats électifs.
Et en multirécidiviste de la présidentielle, il a dû apprendre la musique. Quid de Modibo Sidibé. Il n’a jamais brigué de suffrage et n’a jamais eu de mandat électif. Mais du parcours, il en a à en revendre. Il s’y ajoute que stratégie ou indécision, le mystère autour de sa candidature torture les esprits et attire les curieux. C’est volontiers qu’il est crédité à l’avance d’un bon score alors qu’il n’a pas comme disent les Anglosaxons de « trackrecord » dans le domaine.
Les supputations qu’il bénéficiera de l’appui de l’administration, via le président sortant, sont pour quelque chose dans les pronostics. Dire que le futur président proviendra de ce carré d’as est-il une insulte pour les autres? Pas du tout. Ils seront une petite dizaine dont certains -Tiebilé Dramé, Mountaga Tall, Omar Mariko notamment sont déjà connus des électeurs. Mais leurs problèmes demeurent les ressources et la taille de leurs partis. Quant aux moins anciens dans l’arène, spécialement Soumana Sacko et Cheick Modibo Diarra, ils sont pour l’un populaire et pour l’autre célèbre. Mais en plus de la jeunesse de leur appareil, ils se buteront à une sociologie du vote local qui fait que la rupture s’exprime plus dans l’abstention que dans l’urne.
On ne voit pas ce qui peut, à cette distance, renverser la tendance. Moussa Mara, Madani Tall, Cheick Bougadary tiennent des discours impressionnants et sans doute, l’un d’eux pourrait présider le Mali à l’issue de scrutins ultérieurs à 2012. Mais pour cette échéance-ci, peuvent-ils vraiment espérer plus qu’arbitrer? Il faut d’abord qu’il y ait des élections. Des sceptiques pensent que ce n’est pas la perspective la plus évidente.
Et ils invoquent à leur appui : l’absence, pour le moment, de chronogramme, de listes électorales ainsi que de consensus sur la composition de la Ceni ; le coût faramineux des différents scrutins ; contexte sous-régional instable et générateur de surprises. Mais le scénario paraît trop pessimiste. Le temps file et il faudra se hâter. Mais, il n’est pas imaginable que pour la vingt et unième année de la démocratie – l’âge de la majorité- les Maliens soient privés d’urnes.
Adam Thiam