Chronique du vendredi : Tout est désormais urgent et sensible

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ATT, dit-on, ne dort pas beaucoup.  Hélas, il pourrait dormir encore moins. Car le compte à rebours a commencé,  les chantiers  sont nombreux et ils sont tous d’une urgence pressante. Certains de ces chantiers seront particulièrement  exaltants comme les infrastructures attendant  le premier coup de pioche ou d’être réceptionnées  et il y en aura une belle brochette.

 Mais, il y a aussi le chantier institutionnel : celui-ci reste  structurant parce que susceptible d’améliorer la gouvernance qui est la première des infrastructures  mais ils peuvent être ingrats et  délicats. Limitons-nous à ceux que le président a promis : le code de la famille et des personnes, le référendum constitutionnel, le nouveau fichier électoral.  Deux grands enjeux se dégagent concernant le code relu par l’Assemblée Nationale avec une plus forte implication du  Haut Conseil Islamique.

C’est d’abord que ses bénéficiaires, donc les citoyens, en prennent connaissance et se l’approprient. C’est ce qui a manqué dans le cas du projet querellé. Il faudra donc du temps et du savoir-faire. L’un file et l’autre nous manque. Enfin, s’il est bon que le projet soit consensuel, il importe également qu’il ne soit pas déséquilibré.

 Il intègrerait  les nouveaux droits sociaux sans remettre en cause l’essence de notre société, donc  plus empreint de l’esprit de Tantawi que de Ben Laden  Car, ne l’oublions jamais, un des buts de l’exercice était de mettre les lois du pays en phase avec les conventions internationales ratifiées. Quant au référendum constitutionnel, c’est un scrutin à la logistique tout aussi compliquée que les autres scrutins. Le projet  devrait ensuite être discuté et adopté par le parlement, être expliqué au peuple  et tout cela en évitant le chevauchement avec 2012, année déjà de deux scrutins (présidentiel et législatif).

Et le test grandeur nature serait d’utiliser le futur fichier électoral attendu du Ravec pour le référendum constitutionnel. Plusieurs mois nous séparent de cela. A priori, on peut penser que le temps existe. Mais les données du Ravec – qui n’est pas clos – seront à croiser avec d’autres tels que le récent recensement démographique et le fichier électoral sortant.

 Le temps pourrait  donc être court si nous n’évaluons pas correctement ce qu’il y a faire pour que le nouveau fichier promis par le président nous guérisse définitivement d’une des tares congénitales de notre processus électoral. Entre-temps, le Nord n’attendra pas et il est une urgence. Hier, il n’était que le foyer d’irrédentismes locaux que quelques concessions pouvaient régler. Aujourd’hui, en plus de ces menaces qui ne sont jamais totalement conjurées, il nous piège avec deux poisons : Aqmi et le narcotrafic. Deux défis indissociables ? Nous ne prenions pas au sérieux l’hypothèse américaine du narco-terrorisme. Les arrestations récentes et fortement médiatisées de narcotrafiquants au Maroc remettent en selle la piste.

Or ce ne sont ni les boutades faciles ni les arguments circulaires et extravertis qui nous aideront à reconquérir le septentrion mais une saine lecture de la situation commençant par la reconnaissance du fait qu’Aqmi n’est pas notre enfant mais il est devenu notre hôte encombrant. C’est d’ailleurs sur une telle prémisse que le Pspdn est basé et toute notre communication doit tendre à diffuser cela.

C’était pour les urgences. Pour ce qui est de la sensibilité, elle vient de ce que le contexte sous-régional pourrait fortement influencer le cours des choses dans le pays enclavé que nous sommes.  A commencer par le pays le plus éloigné de nous : le Nigeria.  Ce géant aura tout fait pour éviter d’assumer le leadership de l’espace. Mais qu’il tousse longtemps et  nous en tremblerons tous.

 En plus, le périmètre sahélien subissant à la fois le salafisme maghrébin et un islam politique certes pacifique mais rigoriste est dans l’axe d’un épicentre dangereux : Maideguri.  Le Niger post Tandja qui paraissait, jusque-là, voguer sur des eaux calmes connaît lui aussi quelques vagues, à travers les événements récents qui ont vu le groupe du 18 février montrer ses premières lézardes. Pas un grand deal peut-être car l’affaire peut, après tout, se ramener à une simple question de rapport de force. Les risques sont plus grands chez nos voisins ivoirien et guinéen.  En Côte d’Ivoire comme en Guinée, les présidentielles sont imminentes.

En Côte d’Ivoire comme en Guinée, elles sont celles de tous les espoirs mais aussi de tous les dangers. Celles de l’espoir parce qu’il ne saurait y avoir de légitimité souhaitable que le verdict de l’urne. Mais celle de tous les dangers aussi parce que dans un pays comme dans l’autre, grand est le risque du genre de rupture qui  met le feu aux poudres. Or, il est inutile de faire un dessin de comment se trouvera le Mali entre ces voisins en feu. Une faible éventualité pour le Burkina qui va aux élections en novembre prochain.

 Compaoré passe pour tenir son pays. Mais rien n’est à exclure. Un Burkina en crise nous coupe des ports ghanéen, béninois et togolais. Le Sénégal sera aux urnes sensiblement au même moment que nous. Le pays a une bonne réputation et une tradition de stabilité. Est-il au dessus cependant de ruptures graves ?  Souhaitons-le. Car ce serait une tragique ironie.  Parce que  par la force des choses,  nous dépendions des ports de Nouakchott ou d’Alger…              

Adam Thiam

 

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