Chronique du vendredi : Que peut vraiment notre diaspora ?

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 Il y a quelque fourberie dans le titre de cette chronique. Car nous avons tous la réponse quand il s’agit de la catégorie plus générale des travailleurs émigrés. En particulier nos compatriotes. Le fait connu depuis longtemps que quelques dizaines de milliers de Maliens de France transfèrent plus d’argent dans la Région de Kayes que les Etats maliens et français réunis suffit pour dire que plus qu’une diaspora, certains de nos émigrés représentent tout simplement la providence.

On ne peut donc questionner ni leur utilité ni le fait que le Gouvernement se préoccupe de ce qui les touche. Et depuis 1991, reconnaissons-le, ils sont sur l’agenda de nos décideurs, ce qui est en soi une révolution comparée à d’autres périodes de notre histoire immédiate. Cela ne veut pas du tout dire que les approches en direction de notre diaspora ne doivent pas être améliorées car elles sont hautement perfectibles dans un monde qui se referme de plus en plus à l’Autre.

Qu’il s’agisse des Etats africains ou de l’Occident, la tendance est à l’immigration choisie et cette réalité ne nous laisse guère d’autre choix qu’une politique d’émigration choisie. Si nous voulons tirer le juste profit de l’émigration devenant une opportunité plutôt que de la migration devenant une fuite en avant. Ce n’est pas la première fois que nous le disons mais c’est bien la première fois que notre pays abrite un forum pour la diaspora intellectuelle et scientifique. Ce faisant, le ministre de notre diaspora frappe un coup inédit et d’une grande portée politique.

Pour l’initiative, la débauche d’efforts pour repérer et mobiliser une colonie aussi diffuse que nos hommes et nos femmes de savoir à travers le monde, il faut lui tirer le chapeau. La communauté qu’il vient de réunir chez nous pour la première fois est normalement un trésor national. Non pas parce qu’elle est une puissance d’argent mais un pôle d’influence et une capacité d’interface utile pour notre pays qui est, qu’on l’intègre ou non, en compétition avec d’autres et autour de ressources réduites. Tout cela s’organise cependant et son opérationnalité prend plus d’une réunion. Elle requiert une stratégie, une volonté et un savoir-faire qui doivent encore être construits chez nous. Hélas, nous ne savons pas tirer les leçons en général, et nous ne savons pas envier mais plutôt jalouser.

Ensuite, nous ne nous évaluons vraiment pas. Or ce que le Cap-Vert a réussi avec sa diaspora intellectuelle dont elle a mis le savoir-faire et les réseaux à son service n’est pas au dessus de nos moyens. Car l’intelligentsia, qu’on la restreigne aux producteurs de pensée, aux contradicteurs des pouvoirs, ou aux hauts diplômés n’est ni très commode ni toujours bien notée.  « Les hommes de génie font la grandeur intellectuelle d’une nation mais rarement sa puissance ». Alou Badra Macalou ne sera peut-être pas d’accord avec cette boutade de Gustave Le Bon.

L’anthropologue français ne parle pourtant pas en l’air mais plutôt d’une société  française qui, pour faire régulièrement le check-up de son intelligentsia, a souvent déploré la pénurie des Zola et autres Malraux  face au recul de l’éthique, à la dérive des politiques et à la suprématie de l’argent.  Mais personne ne mettra vraiment en doute Christian Eboulé quand il dit que face aux difficultés économiques, sociales et culturelles de l’Afrique,  « il y a lieu de s’interroger sur le rôle des intellectuels, dans leurs espaces nationaux et bien sûr au-delà de ces derniers ». Les peuples se sont eux interrogés et leur réponse est que l’intelligentsia africaine fait plus partie des problèmes que des solutions du continent. Bamako aura de la peine à prouver le contraire.

Adam Thiam

 

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