Chronique du vendredi : Les faiblesses de 2009, les urgences de 2010

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Les années passent, s’accumulent mais ne se ressemblent jamais tout à fait. Le premier à le savoir et à l’apprécier doit être ATT. Il sait dans quel contexte, il s’est adressé à ses compatriotes au même moment l’an dernier. Au niveau international, la crise des subprimes américains avait grippé l’économie mondiale et nous en redoutions les conséquences au plan intérieur.

Car la crise frappait de plein fouet l’industrie, avec une baisse de la consommation en Occident, donc une faible demande de nos matières premières et une hausse du chômage, donc une menace directe pour notre diaspora qui est d’une contribution substantielle à notre économie et à la survie de plusieurs dizaines de milliers de familles maliennes. Il s’ajoutait au contexte international qui n’en est pas la seule cause, une tension de trésorerie si sérieuse et si partagée dans la sous-région que l’Uemoa allait s’en émouvoir quelques mois plus tard. Au plan sécuritaire, la tension était à son comble et nos compatriotes à deux doigts de la crise de la défiance vis-à-vis de ce qu’elle percevait être la politique du président Touré vis-à-vis du Nord.

En effet, Bahanga avait frappé à quelques jours du nouvel an et la gravité particulière de sa dernière attaque -Nampala- avait l’air d’une déclaration renouvelée de guerre, voire d’un pied de nez à l’armée et à son chef suprême. Le temps a apporté quelques réponses à nos interrogations les plus têtues de l’an dernier. A savoir, le Président est-il capable ou a-t-il la volonté de mettre fin aux provocations de l’irrédentiste de Kidal  et deuxième obsession : le Mali pourra t-il éviter la cessation de paiement, sur fond de constat sonore et humiliant du Fmi, comme cela se passe chez un voisin qui aime pourtant se faire passer pour le premier de la classe ? Juste pour éviter de donner l’impression de stigmatiser le Nord ou limiter tous les problèmes du pays à cette seule partie, qu’il suffise de répéter ici ce que nous avions dit la semaine dernière : la menace Bahanga, malgré les barouds qui nous avaient effrayés n’a plus troublé le pays à partir de janvier dernier.

De même, si l’Etat a dû réduire ses dépenses, l’effondrement économique redouté ne s’est pas réalisé. Mieux, la dette intérieure a été réduite presque de moitié, selon le bilan fait par le Premier ministre lors de sa tournée dans les services de l’assiette. Mais des défis subsistent à la fois sur le front sécuritaire et sur celui de la gouvernance des ressources publiques. Ces deux fronts et d’autres sont victimes du grand malheur du gouvernement et du pays en général : celui d’une communication tragiquement déficitaire, oscillant entre la propagande quand on n’en a pas besoin et le silence lorsqu’il faut prendre la parole. Par exemple, les émeutes de Kita où le seul responsable gouvernemental qui a été vu est l’actuel ministre de l’agriculture qui était d’ailleurs de passage pour Manantali. Qu’est ce que cela communique ?

ATT a certes réagi partageant les torts entre les émeutiers et l’agent des forces de l’ordre qui était à l’origine de l’émeute. Mais il nous parlait de Sharm-El Cheikh, avec un décalage surprenant. Il y eut également l’affaire dit du code de la famille qui mit le pays en grande tension tant par le « long » silence des décideurs que de l’intransigeance-surprise d’un Islam politique qui existe désormais utilisant les mosquées comme observatoire ou salle de jugement du gouvernement, comme c’est le cas des rapports du Vérificateur général que les prêcheurs estiment en « déshérence » et plus récemment de la situation des travailleurs de l’Huicoma. La dernière affaire sur laquelle notre stratégie de communication pour le pays laisse à désirer est celle de l’avion de Tarkint. Bien entendu, le Président est monté par la suite au créneau.

Mais peut-être trop tard pour trop peu. Qu’il ait eu la louable humilité de reconnaître dans l’interview qu’il accorda au quotidien français « Le Monde » que le silence observé était une erreur peut bien vouloir dire que le Président a, pour de bon, retenu la leçon et que désormais nous ne serons pas pris en défaut de communication sur des choses sensibles que d’autres interprètent à souhait, sans hésiter à se contredire, à engager la crédibilité de leurs institutions alors qu’elles n’ont mené aucune enquête sur le terrain. Mais, tout bien considéré, c’est l’image du Mali qui finit par souffrir d’un mensonge même s’il est reconnu ou établi plus tard. Et c’est pour cette raison que 2010 doit être différemment géré en termes de communication, notamment des crises.

La démocratie n’accepte pas impunément pour le pouvoir une communication de parti unique. Le pluralisme qu’elle promeut a ses exigences que personne ne peut ignorer longtemps sauf à bâillonner les contrepouvoirs. Or cela est non seulement difficile, mais en plus les contrepouvoirs qui nous nuisent le plus sont ceux de l’extérieur que nous ne pouvons pas atteindre. Forcément, la communication ne sera pas le seul défi. Régler durablement la problématique du Nord du Mali où les menaces s’entrecroisent n’est plus une option mais un impératif pour la stabilité et l’image de notre pays. Le président l’a sans doute mieux compris que nous.

La gouvernance notamment des ressources publiques, autre front d’urgence, est aussi une zone sensible, surtout vers une fin de mandat. L’histoire des 180 milliards n’aurait simplement pas dû exister, car le pays a des procédures et elles s’imposent à tout le monde. ATT a eu la bonne idée de communiquer sur le sort de la manne Sotelma et son initiative sera saluée d’ailleurs après par le Fmi en mission chez nous. Mais il reste que c’était possible d’informer le pays de ce plan sans attendre une levée de bouclier de l’opposition. Laquelle, nous le maintenons, va s’élargir au-delà des formations qui se revendiquent clairement de cette tendance.

La vraie opposition au président, la plus insidieuse et la plus vigilante même si elle se tait viendra de sa majorité, de ses proches, de ceux qu’il va devoir renvoyer, de ceux qu’il n’a pas encore recrutés et de ceux qui ne le croient pas quand il dit qu’il est pressé de réserver sa place à la mosquée de Mopti après le 8 juin 2012. 2010, en tout cas, permettrait de voir plus clair dans la marche du pays. Patience pour les uns, prudence pour les autres, excellente année à tous.

Adam Thiam

 

 

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