Chronique du vendredi : Le temps de la décantation

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Contre notre sens du raccourci, ATT a pris les devants : il comprend le parti en gestation sans être l’instigateur car ne pouvant, après sa partition, refuser cette autorisation à des compagnons qui ont choisi la politique. Bénir mais pas initier : la nuance sera peut-être utile un jour ; mais sur le moment, ce sont ses deux implications immédiates qui importent. La première a été immédiatement perçue par les états major politiques comme la claire indication que le temps de la décantation est venu.

Et avec celle-ci, les menaces d’une recomposition du champ politique dommageable aux formations existantes, du genre de ce qui est arrivé au CNID. Car, personne ne le dit mais tout le monde le pense : la déclaration du président vaut le sceau de l’officier d’état civil sur un extrait de naissance. Une légitimité dont n’avait bénéficié, en leur temps, ni le PCR de Ousmane Ben Fana Traoré ni la FCD de Djibril Tangara. Certes un temps agacé par les querelles intestines au sein de sa majorité bateau, ATT mettait en garde contre toute déloyauté qui le pousserait à créer son parti. Mais le contexte est aujourd’hui différent et il est difficile de trouver les raisons profondes pour le président Touré à vouloir créer un parti dont tous les autres seraient jaloux, réduisant ainsi la base sociale d’un mandat qui a besoin du soutien de tous. Mais, comme on dit ici, même s’il se lave mille fois dans l’eau du Djoliba, peu d’entre nous le mettraient hors de ce jeu et c’est aussi cela la décantation qui se dessine. 

La deuxième implication – par rapport au nouveau parti – renvoie à Modibo Sidibé. Particulièrement chahuté ces dernières semaines, chaque article favorable au Premier ministre suscite un contre article sur ses « contre-performances ». Notre confrère l’Aurore prédit même, pour bientôt, les derniers uppercuts du « combat de chefs » entre Modibo Sidibé et Ahmed Diane Séméga. Avec comme « décantation » la mort politique de l’un des deux. Plus probablement le premier que le second auquel nos notes de lecture accordent la faveur du dieu du stade. En clair, ATT, par la zizanie poussée à son comble, donne le président pour résolument déchaîné contre son ancien secrétaire général, son actuel chef de gouvernement et son ami de vingt ans. Les raisons de fond ? Le faible bilan du gouvernement et le déficit de solidarité entre ses membres. La cause directe ? La crise scolaire. Pour ce qui est du bilan, certes ce pouvait être plus, ici comme ailleurs, car tout est perfectible et à tout moment. Mais il faudra bien se garder du paradoxe entre les insuffisances relevées et les fières réalisations énumérées à l’occasion du 8 juin dont le pays suit attentivement la communication.

A moins que ce bilan ne soit réalisé malgré le Premier ministre. Ce qui, le cas échéant, dénoterait chez le président, une patience qui n’est pas forcément pour le bien du pays. S’agissant de la crise scolaire, il y a en effet, beaucoup à dire et à redire. Sa gestion est loin d’être brillante et il faudra craindre que cette question n’empoisonne la fin du mandat présidentiel. Il est vrai que la gestion quotidienne de ce nœud gordien de la 3è République incombe au ministre de tutelle. Mais il est tout aussi vrai que le président a particulièrement insisté sur la qualité du dialogue social dans la lettre de mission du Premier ministre. Il est surtout surprenant qu’au sortir d’un forum national salué par les parties prenantes, l’école renoue avec l’instabilité. La responsabilité directe du Premier ministre dans la crise, c’est évident, ne peut pas ne pas être évaluée. Dans la vérité, l’élégance, et le respecté dû à tout homme, à fortiori un homme d’Etat. A cet égard, la décantation entamée est salutaire. Pour le pays, pour les partis et même pour Modibo Sidibé lui-même. Que nous préférons plutôt en Juppé – avec son destin contrarié pour la France- qu’en Rafarin, le fusible poussif que la France entière finit par railler.                                                             

Adam Thiam


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