Chronique du vendredi : Le pays que nous ne voulons pas

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A ce tournant de son mandat, le président Touré ne peut pas ne pas évaluer ce qu’il lui reste à faire dans le temps qui lui reste. Comme Lamartine, il prierait donc pour le temps suspende son vol. Le poète le voulait pour que continuer de contempler des cygnes blancs dans un lac bleu. Le président, lui, en aurait besoin pour que ne se transforme en volcan la convergence des appétits, des frustrations, des calculs, des trahisons et des impatiences.

 En somme, le rituel des fins de mandat la où greffe démocratique n’a pas encore pris et où l’on se positionne plus par rapport à celui qui arrive ou est susceptible d’arriver qu’à celui qui s’en va. Il reste que d’ici à son départ, le président demeure le maître du jeu et bénéficie, touchons du bois, d’une paix sociale que bien des époques et des pays peuvent lui envier. Et cela se voit bien, malgré la course contre la montre qu’il va lui falloir engager pour ne pas être pris de court, que le président a décidé de se donner le temps de la réflexion pour faire les bons arbitrages et arriver à la conclusion attendue en ce mois de décembre. Un indicateur ? ATT n’a pas encore nommé de ministre de la Santé, se contentant de désigner un intérimaire.

Sans doute, en attendant un remaniement gouvernemental. Qui sera léger si l’attelage actuel lui donne satisfaction et cela a l’avantage de le conduire vers la fin du mandat avec une équipe huilée. Ou profond si le seul juge qu’il est, estime que les enjeux actuels et du futur proche requièrent un autre dispositif, un autre mental. Il est en effet important d’éviter, comme le déplora une fois feu Oumar Bongo, de former un gouvernement de « coma » à la place d’un gouvernement que l’on voudrait « de combat ». C’est le droit constitutionnel du seul président et il ne peut lui être disputé.

 Ce que nous partageons tous par contre, fils et filles de la même nation, c’est l’état dans lequel nous nous trouverons quand arrivera 2012. Plus exactement, l’état dans lequel nous ne voulons pas nous trouver, rien n’étant une fatalité. Le Mali qu’il faut souhaiter est justement l’antithèse de celui qu’épingle le rapport triennal de l’Amdh. S’il n’a pour l’instant suscité aucune réaction officielle malgré ses constats graves, notamment dans sa description de la situation du Nord, de la gouvernance et de l’incivisme généralisé, ce rapport n’en est pas moins parlant. Pour ce qui est du Nord, la manifestation monstre, la semaine dernière, des populations de Gao contre l’insécurité avec un constat clair de ses causes (braquages, logiques de gang,) et des dénonciations de personnes, ne doit pas être sous-estimée ou gérée par les pratiques peu payantes de la dissimulation ou de l’atermoiement.

 Gao interpelle vivement l’Etat et les marcheurs n’en ont pas fait mystère : ils se rendront justice à défaut de celle de la puissance publique. Ce qui, le cas échéant, ne serait qu’une nouvelle facette du chaos dont notre septentrion est menacé, entre la présence d’Aqmi, le fonds irrédentiste, le narcotrafic et ses inhérentes dérégulations. Nous ne voulons pas aller à 2012 avec un Nord puni et qui punit la nation, érodant à un seuil honteux, le précieux capital international que notre pays s’est péniblement constitué en vingt ans. Nous ne voulons pas, non plus, aller à 2012 avec une école qui pourrait renouer avec les vieux démons des débrayages et des années blanches ou semi noires.

 Les causes et les responsabilités de ce désordre qui semble nous menacer de nouveau doivent être recherchées sans faiblesse et sans quartier. Car un consensus pour la relance de l’école nous lie désormais. Nous voulons et nous devons arriver à 2012 sans être à la une de la presse pour des allégations de corruption, surtout celles inacceptables des ressources prévues pour les plus vulnérables d’entre nous. Nous voulons et nous devons aller à des élections transparentes et exemplaires, loin des tripatouillages et des pratiques bananières qui embrasent certains de nos voisins. Aucun de ces souhaits n’est impossible à réaliser. Mais tous exigent un minimum d’enthousiasme et de savoir-faire, ces vertus qui nous lâchent alors que le pays en a grand besoin. Parce que le 9 juin 2012, il doit être « immédiatement opérationnel ».                   

 Adam Thiam


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