Le premier grand candidat à la présidentielle 2012 est confirmé depuis une semaine où il a été littéralement plébiscité par le « peuple Adema », une expression désormais consacrée. Dioncounda Traoré n’aura pas eu le temps de savourer sa victoire parce que le président du parlement qu’il est devait se battre sur deux autres fronts : celui d’une réforme constitutionnelle à laquelle le président Touré n’entendait pas renoncer pour un sou et celui du code de la famille qui, lui, est encore en discussion.
On ne sait pas encore si, s’agissant de la réforme pratiquement plébiscitée, y compris par le Parena qui avait rué dans les brancards, le président du parlement a reçu les félicitations d’Amadou Toumani Touré, comme ce fut le cas pour le code de la famille en 2009 avant le retour de boomerang. Mais, une chose est sûre : l’enfant de Nara n’a plus de temps que pour l’essentiel. Il sait qu’après la trêve du Ramadan, d’autres poids lourds seront investis par leurs formations, notamment Soumaila Cissé et Ibrahim Boubakar Keita. C’est du côté de Modibo Sidibé, cependant, que se situent les inconnues. Les inconnues, nous disons bien et pas le suspense.
Car le candidat investi de l’Adema, s’il suit l’actualité, doit bien savoir que l’ancien Premier ministre, pour l’instant, est plus Hernani de Hugo qu’Iphigénie de Racine. Donc plus une « force qui va » que le héros d’une tragédie grecque. Les clubs de soutien naissent les uns après les autres en l’honneur de l’homme -véritablement la boîte noire de la 3è République- et si peu de données existent sur leur importance, ils « communiquent » par le timing et le message. Tout ça ne peut être pour rien. Surtout que même des autorités morales comme Sira Diop sont mises à contribution, faisant sur l’enfant du Badialan des commentaires qui valent adoubement. Il est donc plus que plausible que Modibo Sidibé ait déjà décidé de se porter candidat et que son silence relève d’une stratégie de maturation.
Cela ne peut avoir échappé à Dioncounda Traoré qui, bien qu’aussi flegmatique que l’ancien Premier ministre, reste un mathématicien. Son souci, certainement, est de faire en sorte que Modibo Sidibé ne soit le plus grand commun diviseur de son parti. L’homme y a, au moins, un cheval de Troie présumé en la personne de Zoumana Mory Coulibaly, depuis peu relevé de sa position stratégique d’alors. Signe que le président de la République n’est pas prêt à laisser l’administration publique devenir l’arbitre et le coffre fort de la prochaine élection? Ou sa manière la plus claire possible de prouver que Modibo Sidibé n’est pas plus son candidat qu’un autre ? Le temps le dira.
Il nous dira aussi quels sont ou étaient les mobiles d’autant de candidatures internes au sein de l’Adema. Car si elles procèdent de calcul autre que l’ambition personnelle des uns et des autres, Dioncounda Traoré devrait savoir alors que l’équation Modibo n’est pas réglée. Et qu’elle ne ferait, d’ailleurs, que naître. L’Adema sera alors servie ou desservie par sa propre jurisprudence. Et rien n’interdirait à Modibo Sidibé qui a tout vu et analysé de l’excellent observatoire que fut son parcours, de se payer sur la bête. Car le temps de créer un parti porteur, il ne l’a plus. Alors s’il était il serait le second président trans-parti de l’ère démocratique. Les partis politiques détesteraient ce schéma et se mobiliseraient contre. C’est surréaliste d’imaginer Att, venu de la même façon, remettre le témoin à Modibo Sidibé, entré par la même brèche, sous le regard médusé de Dioncounda Traoré, Soumaila Cissé, Ibrahim Boubakar Kéita ou un Tiebilé Dramé qui aura en plus la déception de se voir gouverné par un Empereur. Mais en élection, c’est normalement le peuple qui décide. C’est donc son verdict qu’il faut attendre.
Adam Thiam