Chronique du Vendredi : La Guinée peut-elle vraiment brûler ?

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Plusieurs vérités se dégagent d’une Guinée tendue et suspendue à sa Ceni qu’elle attend aujourd’hui. A moins d’un nouveau report, ce qui le cas échéant signifierait une crise électorale dont nul ne sait comment ni où elle finirait .

La toute première vérité est que ce pays a vraiment cherché à tourner les pages sombres de son histoire en réussissant un taux de participation exemplaire le 27 juin dernier et en faisant patienter ses électeurs des heures durant sous le soleil ou la pluie. La seconde vérité est, elle, moins glorieuse mais elle est à dire : ce n’est pas pour la démocratie que les vingt quatre candidats cherchent à renvoyer l’armée du pouvoir mais juste pour espérer tous et chacun, être à sa place. Car il n’y a aucun militaire parmi les candidats et cela aurait dû conjurer la crise en formation si le plus important était d’avoir un président civil.

A ces civils brusquement devenus frères ennemis, Sekouba Konaté aura d’ailleurs fait un joli pied de nez en remerciant publiquement l’armée du rôle qu’elle a joué dans la sécurisation du scrutin et en renvoyant la balle désormais dans le camp des acteurs politiques. La posture du Général rappelle cependant une autre vérité : autant il a multiplié les signes qu’il voulait partir, autant il se sera peu soucié de la préparation matérielle de l’élection -une affaire de civils !- alors que les crispations actuelles résultent de problèmes identifiés en leur temps mais mal ou pas du tout aplanis.

Autre vérité, le pays et la communauté internationale sont en train de donner raison à Jean Marie Doré. Celui-ci avait alerté autant sur les dangers d’une Ceni en roue libre et que sur les écarts pris avec l’orthodoxie démocratique dont l’adoption par décret d’une constitution plus renouvelée que toilettée. Au point que l’infortuné Premier ministre accusé de vouloir confisquer la transition eut à battre en retraite, même s’il continua à rager en privé contre ce qui lui paraissait un acharnement international à envoyer la Guinée au charbon. Connaissait-il mieux la classe politique que le CNT de Rabiatou Serah Diallo pour laquelle il était hors de question de passer par un référendum, même pour tester les performances de la Ceni, encore moins de reporter la présidentielle ?

Les heures à venir nous édifieront. Mais deux choses sont claires : soit le peuple de Guinée assoiffé de se choisir un leader a la malchance de compter sur des candidats qui ne roulent que pour leur nombril, car ils ont presque tous récusé le scrutin salué par tous les observateurs, et dans des termes sanglants pour certains d’entre eux. Soit le compromis ici relèverait de la compromission par rapport à un scrutin certes mobilisateur mais indéfendable simplement.

 Reste les souhaits : d’abord que toute ces contestations relèvent moins de la réalité que du réflexe de mauvais perdant, ensuite que face à eux -mêmes et face à leur destin, les Guinéens se retrouvent pour tirer vers le haut un pays maltraité de ses enfants mais aimé de Dieu qui lui a donné tant d’atouts naturels. Fasse Dieu, en tout cas que la Guinée se réveille ce matin en écoutant le dernier Ali Farka Touré et Toumani Diabaté, ces prodiges maliens de la Kora et du blues dunaire qui ont réussi une interprétation magistrale de l’hymne national guinéen. En ces heures d’épreuve, il n’y a pas meilleur solfège contre la pyromanie.

Adam Thiam

 

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