Le président américain a cinq bonnes raisons de mettre l’Afrique en relief. Un, ce continent le porte encore, se contrarie quand il est contrarié et lui souhaite la meilleure présidence possible.
Deux, il est le président américain le plus africain, il n’est pas un de ces descendants d’anciens esclaves américains depuis plusieurs génération, il est moitié kenyan, connaît les plantations de thé de Kisumu ainsi que les aléas du pouvoir africain. Trois, il sait et dit que l’Afrique, malgré le sanglot du jour, peut être l’avenir du monde. Quatre, son investiture continue de soulever beaucoup d’espoir sur le continent mais pour l’instant, à part la critique -justifiée- de sa gouvernance bananière, le jeune président n’a encore rien apporté de concret et il pourrait même faire moins que le conservateur et Wasp Georges Bush pour l’Afrique. Cinq, c’est tout de même cette année le cinquantenaire de dix sept pays africains, même la France s’en est souvenue et les Africains n’auraient pas vraiment apprécié que l’Amérique qui n’a pas de passé colonial zappe cette importante symbolique. D’où l’initiative plusieurs fois triturée de l’homme le plus puissant du monde : rencontrer à la Maison Blanche cent quinze jeunes africains pour leur parler d’avenir, le leur, celui de leur continent, avec en filigrane le modèle américain aussi perfectible soit-il. Manifestement c’est un pied de nez au leadership africain que le quarante-sixième président américain aime gronder et il l’a fait cette fois-ci aussi. C’est ensuite une façon de dire à Sarkozy qui, lui, a préféré fêter avec certains de ses pairs africains que le futur qu’il faut à l’Afrique se construit plus avec la « génération rap » invitée cette semaine à Washington après une sélection digne des sectes les plus fermées qu’avec les « vieux croulants » qui se congratulaient sur les Champs Elysées, le 14 juillet dernier. Enfin, sur l’Afrique, il y a comme une petite guerre de positionnement entre la France qui, au-delà du pré-carré, lorgne vers Abuja, Luanda, Pretoria, donc dans la même direction que les stratégistes américains qui tablent de plus en plus sur les matières premières et le marché africains. Tout ça est de bonne guerre, dira t-on et il est vrai qu’Obama n’a pas tort de miser sur la jeunesse africaine qui représente 63% de la population du continent, – donc de l’avenir de celui-ci mais qui sue sang et eau pour avoir le visa Schengen ou britannique et qui n’hésite pas, face aux tragiques certitudes mortelles de ses pays, à affronter les barbelés de Lampedusa. Mais le fait est que ce ne sont pas cent quinze entrepreneurs, fussent-ils MBA des plus prestigieuses universités du monde et totalement bilingues qui peuvent changer quelque chose au quotidien de l’Afrique. Surtout s’ils ne sont pas leaders des organisations qui les emploient, comme c’est le cas de bien des invités d’Obama. Et puis si l’Afrique de nos rêves, c’est une masse critique de jeunes gens à l’image de ceux que Washington auréole aujourd’hui, la réalité est tout autre, entre les contre-performances économiques, le désastre des ressources humaines, la jeunesse dévoyée au crochet de familles elles-mêmes tire-au flanc, les épidémies, la faillite de la morale publique avec sa conséquence la mieux partagée : la corruption. La solution n’est pas dans les séminaires avec les jeunes. Mais dans l’action résolue des puissants de ce monde contre toutes les variables qui contribuent à faire de nos pays des « Etats faillis ». Cela se fait avec les gouvernants du jour et pas avec des gestionnaires de la micro-finance. Et si l’insinuation du président américain est qu’on ne peut rien avec les leaders actuels du continent, alors il faut le dire clairement et aider à les « éradiquer ». C’est pourquoi, à notre avis, la promenade de Washington, si elle est un clin d’œil pour la société civile, n’était pas le meilleur cadeau d’anniversaire que le beau président pouvait offrir à huit cent millions d’Africains qui courent après deux dollars par jour.
Adam Thiam
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