Chronique du vendredi : De la fraternité Mali-Guinée

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Ahmed Sékou Touré aura la formule heureuse en disant de la Guinée et du Mali que « ce sont les poumons d’un même corps ». Dans une volonté commune de s’émanciper de la tutelle coloniale et de faire de l’Afrique la première solution de l’Afrique, il travaillera  avec Modibo Keita à consolider  cette unité organique. Les deux pays continueront sur cette lancée, quels que furent leurs régimes politiques. Moussa Traoré et Sekou Touré cohabitèrent seize ans dans de bons rapports de voisinage à défaut de relations fusionnelles. 

Alpha Oumar Konaré à qui la gouvernance Conté devait donner la chair de poule intégra, lui aussi, la sensibilité de la « maison Guinée » qu’il géra, notamment, au cours de sa double présidence de la Cedeao. Pour ce qui est du président Touré, ses relations avec Lansana Conté furent sans vagues et même bonnes. Des heurts entre nos deux pays, il y en eut. Mais, tout bien considéré, les frictions les plus sérieuses   -celles récentes du Wassoulou- ne sont-elles pas d’ordre communautaire qu’étatique ? Il s’agit, bien sûr, d’alertes à ne pas minimiser.

Toutefois, cela ne devrait pas empêcher de se réjouir du constat qu’il n’y a jamais eu de guerre entre les deux Etats, comme celles totalement surréalistes entre le Mali et le Burkina Faso. L’explication la plus parlante de cette relation spéciale à la Guinée vient de la superstar Oumou Sangaré que notre diplomatie eut l’heur d’inviter pour la première fois de sa vie à donner un concert à Conakry dans le cadre de la célébration du cinquantenaire de la nation malienne : « encore aujourd’hui, dans certaines zones du Wassoulou, la chefferie est assurée indifféremment par un Guinéen ou un Malien, pourvu qu’il soit le plus âgé ». En somme, avant la lettre, l’approche de pays-frontières, donc l’impératif d’une véritable politique de fraternité entre nos pays qui, malgré la tronçonneuse coloniale, demeurent un continuum reflété dans cette petite phrase d’ATT : « la Guinée commence à Djikoroni », donc au cœur de Bamako. Il est donc normal de remarquer et marquer cette spécificité. C’est heureusement ce qu’a tenté la VIIè session de la Grande Commission mixte de la Coopération Guinée-Mali, tenue en avril à Conakry sous l’égide des Ministres Moctar Ouane et Diallo Djenabou Saïfon.

 Tout y aura été minutieusement recensé : construction de routes secondaires entre localités des deux pays, exploitation optimum du port de Conakry et des fleuves Niger et Sénégal, chemin de fer, politiques communes d’exploitation de secteurs que les deux pays peuvent avoir en partage dans les domaines de l’agriculture, de la pêche, de l’élevage, des mines et de l’investissement. Et bien d’autres secteurs. Les documents issus de cette revue permettent de penser qu’au-delà de la coopération classique, c’est une doctrine de fraternité que nos deux pays veulent mettre en œuvre. C’est une avancée méritoire pour notre diplomatie en Guinée. Et si telle est la ligne avec tous nos voisins, alors l’intégration sous-régionale ne sera pas une vue de l’esprit.

La fraternité Guinée-Mali va cependant au-delà des seules réalisations de chantiers communs et des seuls Etats. Au plan politique, la Guinée est devenue le pilier de la stabilité sous-régionale, maintenant que la Côte d’Ivoire velléitaire semble s’éloigner du rêve d’Houphouët. L’orgueil des Etats et la souveraineté des nations ne sauraient rester des mots creux, mais porter plus d’attention à la Guinée en ce moment sensible de son évolution relève d’un devoir minimal de fraternité. Celui-ci requiert, à notre avis, plus de moyens humain et matériel que n’en a présentement notre représentation en Guinée dont il est indispensable d’avoir une intelligence plus fine sur la base de laquelle l’anticipation est possible.

Il ne s’agira aucunement d’interrompre les développements encourageants en Guinée, car il y en a, mais de les accompagner. En juin dernier, une mission de la société civile malienne, notamment de la presse, l’avait fait. Et depuis ce 24 mai, une délégation du Parena conduite par son président rencontre les acteurs de la transition et du processus électoral. Les témoignages de satisfaction exprimés à son endroit traduisent une partie des attentes guinéennes à notre endroit. La Guinée ne considère pas le Mali comme un corps étranger et ce qui illustre cela est que notre Ambassadeur à Conakry est parmi les diplomates les plus sollicités de la capitale guinéenne. Sollicité et consulté comme cela se doit. Car bon voisinage ne signifie pas raser les murs, mais assurer une présence qui aide.                                                                            

Adam Thiam


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