De Sabouciré à Kouroukan Fougan, le président Touré a fait dans la symbolique et ce n’est pas mauvais puisque c’est notre histoire qui est invoquée. Avec ses parts d’ombre, ses équivoques, ses polémiques mais aussi en ce qui la rend grande et qui peut être fièrement restituée aux enfants extravertis de la patrie. Pas de passéisme, s’est défendu le chef de l’Etat mais une halte nécessaire pour apprécier le chemin parcouru et anticiper les écueils de la prochaine étape. Au palmarès, une belle brochette d’inaugurations qui ajoutent à nos infrastructures. Et la fête, nous le savons, continuera jusqu’en fin décembre où le pays aura rendez-vous avec son prochain cinquantenaire.
Ce n’est pas l’horizon le plus proche et c’est la gestion du court terme qui prendra le dessus. Car, le compte à rebours jusqu’en 2012 aura alors commencé. Avec un gouvernement et une nation qui auront sous le bras deux projets d’importance : le code de la famille sorti de l’heureuse synergie entre le parlement et le Haut Conseil Islamique, puis le projet de constitution préparé par le Cari. Il ne faut pas oublier que, dans le pipeline, nous avons aussi le nouveau fichier électoral promis par le président dans son discours du 22 septembre 2009.
Ce sont là trois importants chantiers qui doivent être bouclés au plus tôt afin d’éviter toute interférence avec 2012, année électorale mais pas de n’importe quelles élections. Elles seront celles de la maturité, celles du Mali haut de ses vingt un ans d’exercice démocratique ou alors elles nous installent dans un péril dont nous n’avons pas besoin. Car nous avons déjà des défis de court terme à relever pour que 2012 trouve un pays plus paisible. Qui ne prend pas le temps d’examiner les questions sous tous leurs angles, y compris celui du scénario-cauchemar.
A l’instar de l’initiative qui a créé un problème Moussa Traoré alors que la nation avait presqu’oublié. Gracié, semble t-il, pour des raisons humanitaires par Konaré, le Général Traoré bénéficiera, sous les premiers mois d’ATT, de son statut d’ancien président – nous avions imputé ce fait par erreur à Konaré-. Les Maliens, car ils savent être magnanimes, s’étaient accommodés du fait. Il n’y a eu cette passionnelle levée de boucliers contre le tombeur de Modibo Keita que lorsque certains s’insurgèrent contre le pardon sans la vérité d’abord.
La leçon est, sans doute, apprise. Mais il y a un autre défi, capital cette fois-ci à gérer et à gérer immédiatement. Car on ne nous convaincra pas que ce n’est pas grave qu’au moment où nous fêtions notre cinquantenaire, notre septentrion soit la prison de personnes innocentes, que des avions de reconnaissance le sillonnent, qu’il soit le champ d’un combat que d’autres se targuent ou se plaignent de mener à notre place.
C’est dommage qu’il en soit ainsi et malheureusement nous devons concéder ici que nous nous sommes trompés d’avoir espérer que chaque coup d’Aqmi, ces derniers mois, allait être le dernier, pour que notre pays soit évoqué pour ce qui s’y passe de bien et non pas seulement pour le crime organisé. Le caractère transnational de ce phénomène ne dédouane pas de ripostes nationales à la mesure du danger et ce qui nous sera de plus en plus compté, c’est la compréhension de l’Occident.
Il est heureux qu’un programme spécial soit en cours pour relever le défi global de la sécurité et du développement des Régions-Nord. Mais là aussi, le critère essentiel de réussite, c’est l’appropriation par les populations de ce projet, la seule approche gagnante étant celle de la gouvernance partagée de la paix et de la sécurité. Croisons les doigts et gardons espoir : le cocktail Malitov que nous avons souvent redouté n’a jamais véritablement éclaté.
Adam Thiam