Chronique du vendredi : ATT, un enjeu comme en 1992.

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Le président Touré se reposera peut-être après le 8 juin 2012. Mais d’ici à là, il doit se résoudre à tout entendre. Pas que des choses gentilles. Et de presque tout le monde. 

C’est vrai qu’en presque dix ans d’exposition, il a eu le temps de s’habituer aux critiques voire aux attaques de la presse. Bientôt, il lui faudra ajouter le microcosme politique à sa liste. Ancien président de la transition, il n’avait pas hésité à dénoncer les manœuvres tendant à faire de lui un enjeu à l’époque. Président de la République depuis 2002, il n’a pas encore reconduit son commentaire désabusé de 1992.

Explications possibles : le capitaine d’alors s’est doublé du politique d’aujourd’hui et son agacement d’hier c’était surtout face à ceux qui le voulaient comme otages de leurs calculs propres. Or en 2012, c’est devenu plus clair, le président ne veut pas être « une variable d’ajustement ». Il ne restera pas et il l’a dit. La décantation vaut son pesant d’or. Elle génère hélas des attentes. Et l’appui escompté du président aux élections à venir n’est pas la moindre de ces attentes. 

A commencer par l’ancien Premier ministre Modibo Sidibé dont il a toujours loué les qualités de discrétion et de sérieux, même si un confrère lui demandant sur la présidentiabilité de son ex-collaborateur ne put obtenir d’Att plus que ce constat lapidaire : « c’est un bon commis de l’Etat ». Nous parlons bien entendu de quelqu’un qui n’a pas encore dit qu’il est candidat à la présidentielle de 2012. Seulement aucune analyse de situation sérieuse ne peut en écarter la possibilité et les relais qui se mettent en place pour l’homme sont suffisamment expressifs et dans les normes politiques du pays, il ne faut pas du tout exclure que Modibo Sidibé soit en train d’attendre la fumée blanche. De la part d’un ancien patron qui, tacticien reconnu, a généralement horreur des pistes ou signaux qui peuvent révéler sa position. Et puis, on doit à la vérité de dire qu’Att a déclaré son équidistance.

Sauf qu’après Modibo Sidibé, de Dioncounda Traoré, Ibrahim Boubacar Keita, Soumaila Cissé pour citer les poids lourds présumés, à Tiebilé Dramé, Mountaga Tall, Soumana Sacko, Cheick Modibo Diarra, personne ne croira vraiment que Touré sera cette exception africaine d’un président sortant qui ne se soucie pas du tout de sa succession. Dioncounda Traoré est un ancien partenaire du président. Ils ont ensemble au moins deux sujets de discussion : le brevet de parachutiste et les temps épiques de la clandestinité. Le président de l’Assemblée n’a pas été un acteur déloyal de la majorité présidentielle. Au contraire, à force d’accompagner, lui-même et son parti l’Adema ne peuvent pas échapper à un vote-sanction si l’électorat décide de se démarquer du bilan d’Att.

Une hypothèse folle. IBK et Soumaila Cissé le savent qui lorgneraient aussi un signal du président. Le patron du Rpm a toujours revendiqué la loyauté vis-à-vis du président quand il l’a accompagné et l’opposition responsable quand leurs chemins ont divergé. Les liens personnels peuvent faire le reste. Même si, sur ce plan, Soumaila Cissé est l’ami de plus de trente ans d’Att. Ils ont en commun le royaume de l’enfance. Et ce n’est pas sans avantage, quoique Cissé lui tînt tête en 2002 et n’hésitât pas à crier à la conspiration de l’establishment contre lui. On sait qu’en 2007, Cissé évita de se porter candidat pour soutenir Att. Ce que Tiebilé Dramé n’eut pas la prudence de faire. Ni en 2002. Ni en 2007. De plus, malgré les liens historiques entre l’aîné et le cadet, les relations politiques furent parfois heurtées. Et la plus récente illustration de l’indépendance d’esprit du président du Parena réside dans son rôle pionnier contre ce qu’il appelle le piétinement du processus électoral et l’inopportunité de la réforme constitutionnelle, même si le bélier blanc a voté le texte. On voit mal, cependant, adouber son ancien chef de la diplomatie.

Qui lui, non plus, n’a pas dit qu’il est candidat, reconnaissons-le. Autre candidat potentiel qui ne peut plus être la tasse de thé du président : Soumana Sacko.

L’ancien Premier ministre de la transition s’est déjà positionné, dans l’opinion, comme le candidat de la rupture. Et la révision constitutionnelle contre laquelle il a croisé le fer aussi tôt qu’en 2009 avec les conclusions du rapport Daba Diawara comme lance-flammes. La sortie récente de Sacko, l’attaque la mieux construite contre le projet présidentiel sera normalement un facteur d’éloignement de plus. Normalement, nous disons tout en étant conscient qu’un président peut avoir ses raisons que la raison générale ne comprend pas.

Adam Thiam       

 

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