Chronique du vendredi : A qui profite le chaos ?

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Au commencement, était certes le refus de la  «hogra», l’arrogance des nouveaux riches que le pouvoir FLN avait créés, faisant le lit du Front Islamique du Salut (FIS) avant le raz de marée islamiste aux législatives et municipales algériennes de 1991. Cette victoire démocratique aura été, certes sauvagement réprimé dans une guerre civile où plus de cent mille Algériens laisseront la vie.

 Le Groupe Islamique Armé (GIA) naîtra certes des cendres du FIS avec possiblement une infiltration des mouvements islamistes par les services secrets algériens. A cet égard, on ne peut sous-estimer la littérature relativement dense sur la question et il n’est pas indifférent de se demander si Abuzeid et son cadet Belmokhtar qui ont mis notre pays sur la liste rouge du terrorisme sont des jihadistes repliés dans le Sahel parce que traqués chez eux ou s’ils sont chez nous par la volonté de l’Algérie dans le but de faire oublier le déficit de démocratie dans ce pays.

 Ce qui voudrait dire que Tamanrasset ne sera pas le tombeau de l’activisme salafiste, que le pays de Boutef sera plus prompt à lâcher sa presse contre Bamako, Nouakchott et Niamey que ses troupes contre les khatibat de la passoire saharo-sahélienne. Mais les plaintes et les procès à l’encontre de l’Algérie, si elles expliquent l’origine du mal et situent certains des enjeux du phénomène terroriste, n’aident pas à le guérir. 

On ne se refuse à un grog parce que la grippe qui nous affecte a été transmise par le voisin et de ce point de vue, le Mali est le pays le plus malade de l’infection salafiste. Pas que nos populations se convertissent à tour de bras et aggravent le danger d’un islam politique en gestation dans nos cités.

 Mais parce que si nos partenaires restent très conventionnels et courtois face aux arguments officiels du Mali, dans la réalité, ils se demandent pourquoi toutes les libérations d’otages -près d’une trentaine jusque là ne sont déroulées que chez nous depuis 2003. Pour l’extérieur et pour beaucoup de nos compatriotes incrédules et sans voix devant les développements récents dans l’espace sahélo-saharien, le problème est là : que les enlèvements se passent ailleurs indique certes la vulnérabilité d’autres pays mais ils ne seraient ni possibles ni juteux pour Aqmi sans l’assurance de bases arrières sûres que tout le monde situe dans notre pays et que nous n’avons jamais officiellement démenti. Il y a aussi le fait perçu à sa juste mesure par de nombreux compatriotes que c’est chez nous que la Mauritanie a pris comme l’habitude de venir se battre. Elle ne ravit pas que la palme de la lutte anti-terroriste devenue un déterminant de la gouvernance aux yeux de la communauté internationale.

Elle prouve en même temps que nous sommes les hôtes de l’ennemi commun et rend plus que questionnable la volonté du Mali de les déloger vraiment. Autre problème : devant les enchaînements, notre communication bafouille, se contredit souvent et ne laisse découvrir que dans les médias internationaux, par dépêches et interviews interposées, très rarement par des communiqués officiels ou par des précisions sur nos médias publics.

D’ailleurs et ce n’est pas toujours sans inconvénient, les réactions sur les soubresauts du Nord viennent presque toujours du seul président de la République, exception faite du plaidoyer – inopérant et c’est normal- de N’Diaye Bah pour le tourisme dans les régions « interdites ». Le chaos est à l’œuvre, entretenu par le fait que le Nord est trop loin des yeux du « Centre », le sensationnalisme des médias, le narcotrafic, les adversités inter et intra-communautaires, comme les tensions perceptibles entre groupes Touaregs – Imrad-Ifoghas-, Arabes -Kounta-Lamhar- ou Touaregs-Arabes. Avec le gravissime corollaire de la stigmatisation du Nord et à terme du pays. « Remparts », une initiative citoyenne qui redoute cette éventualité et pour qui ses enjeux miniers ne sont pas étrangers à la déstabilisation en cours de l’espace sahélo-saharien veut secouer demain, samedi, le cocotier. Louable car il pourrait permettre de savoir à qui profite le chaos. Et si un sursaut national est désormais possible.                                 

Adam Thiam

 

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