Chronique du Mali : Le défi de la bonne gouvernance

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Ce vendredi 5 juin, l’Imam Mahmoud Dicko et ses amis politiques, à savoir le Front pour la sauvegarde de la démocratie (FSD), qui regroupe plusieurs partis de l’opposition, le Mouvement espoir Mali koura (EMP), ainsi que la Plateforme de lutte contre la corruption et le chômage (PCC) pour ne citer que ceux-ci, donnent rendez-vous au peuple malien pour un grand rassemblement sur la place de l’indépendance du Mali. L’Imam Dicko, grand mobilisateur a décidé d’y tenir avec les fidèles, la prière collective du vendredi. Mais, ce n’est pas juste pour se rassembler et prier que la Coordination des mouvements, associations et sympathisants (CMAS) de Mahmoud Dicko, les militants du FSD, du mouvement EMK, de la PCC et bien d’autres répondront. Il s’agit d’une manifestation gigantesque contre la gouvernance actuelle du pays, c’est-à-dire la mal gouvernance caractérisée. Les organisateurs, au cours d’une conférence de presse tenue au siège de la CMAS, le samedi dernier, ont annoncé qu’ils sortiront ce vendredi pour exiger « la démission du président de la République Ibrahim Boubacar Kéita ». C’est l’objectif de la manifestation en réponse aux nombreux dossiers de mal gouvernance restés sans suite, dont l’affaire de l’avion présidentiel ; l’achat d’armes et d’équipements militaires ; les avions cloués au sol ; l’affaire des engrais frelatés ; et last but not the least, d’élections tripatouillées et truquées mettant en cause dame cour constitutionnelle, sensée contribuer à la préservation de l’ordre constitutionnel.

Les organisateurs pensent pouvoir ainsi obtenir le départ d’IBK, sans qu’une poule en soit déranger, sans casser une ampoule, et en laissant intacts les édifices publics. Cependant pourront-ils canaliser des centaines de milliers de manifestants en colère dans les rues de Bamako ?

La colère est réelle, l’impunité et l’inégalité devant la justice, la mauvaise gestion des revendications syndicales, due à l’absence de coordination dans le traitement de ces dossiers, bref un front social brûlant qui ne laisse aucune place au droit à un enseignement égal pour tous, à une bonne éducation, à un emploi décent, à la santé pour une population pauvre et spoliée, rendue davantage malade par la faim et un environnement malsain. La corruption, le népotisme et le copinage verrouillent l’accès aux fonctions nominatives et électives, à travers des concours truquées, des nominations monnayées, des élections tripatouillées. Résultats, un pouvoir corrompu où le mérite est combattu et l’incompétence, la faute, la médiocrité et le détournement de deniers publics sont encouragés. C’est le règne de l’impunité, la mort de l’intérêt général et où la chose publique devient le patrimoine des seuls tenants du pouvoir. C’est en enfin une situation sociopolitique et économique, qui enfante la colère, la tension et la révolte. Voilà où nous en sommes.

Cependant les manifestants peuvent-ils atteindre leur objectif de démission du Président de la République ? D’abord nous retenons qu’ils arrivent avec des tapis de prière et des chapelets, tout dépend de savoir s’ils tiendront les chapelets entre les doigts tout le long du rassemblement, et de ce qui sera dit par les organisateurs, qui ne se limiteront certainement pas à égrener « Astagfirullah et Subhanallah ». On ne sait pas encore s’ils auront besoin à un moment donné de ranger les chapelets dans la poche. Tout porte à croire que le meeting ne sera pas mouvementé, le gouverneur de Bamako l’ayant autorisé.

En effet, l’Imam Dicko et ses camarades politiques du FSD sont des habitués de grand rassemblement de dizaine de milliers de personnes, sans débordement. Il en a été ainsi quand il s’est agi d’exiger la démission du Premier ministre Soumeylou Boubeye Maïga, le retrait du projet de l’éducation sexuelle des enfants à l’école, le retrait du projet de révision constitutionnelle, toutes ses exigences ayant été couronnées de victoire. Les dates du 10 février 2019 au stade du 26 mars de Bamako, du 5 avril 2019 à la place de l’Indépendance, et le 29 février 2020 au Palais de la culture de Bamako sont assez expressives pour l’Imam Mahmoud Dicko et ses camarades politiques du FSD. Le peuple mécontent est sans commune mesure plus fort qu’un pouvoir qui a participé à la fragilisation de sa propre autorité, en sciant sur la seule branche pouvant le retenir solidement, à savoir la justice et ses dossiers de lutte contre la corruption et l’enrichissement illicite. Nul ne peut se prévaloir de ses propres turpitudes, dit-on.

Parmi les organisateurs, voit-on une figure capable de mieux gérer que le Président IBK ? Tout réside dans la capacité de s’entourer de personnes ressources valables, ayant le sens de l’Etat et de l’intérêt général, de compétences capables de relever le défi de la bonne gouvernance, et non de pantins budgétivores. Sur ce point nos dirigeants ont jusque là échoué dans leur casting, au profit du jeu des chaises musicales.

B. Daou

 

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